Les citoyens de Montréal ont raison d'être cyniques. Ils ont raison de ne pas comprendre pourquoi leurs taxes augmentent de 2,8 %, alors que leur chèque de paye suit à peine l'inflation, de 0,7 % en 2013.

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Le premier budget de l'ère Coderre-Desrochers n'est certainement pas une catastrophe. Montréal entre dans une nouvelle ère et le budget nous en donne plusieurs indices. Toutefois, la nouvelle administration échoue sur l'une des principales promesses électorales, répétée à plusieurs reprises, soit que « les taxes n'augmenteront pas au-delà de l'inflation ».

Qu'en est-il plus précisément ? En 2014, les impôts fonciers et autres charges fiscales imposées par l'administration centrale grimpent de 1,9 %, selon le budget présenté hier. En ajoutant la hausse moyenne attribuable aux arrondissements, la facture augmente plutôt de 2,8 %.

Or selon le Mouvement Desjardins, l'inflation prévue pour 2014 n'excédera guère 1,5 % au Québec, presque deux fois moins que la hausse de taxes.

Certes, pour son budget, la Ville dit s'en remettre au Conference Board du Canada, seul organisme à faire une prévision pour la région métropolitaine de Montréal. Justement, la prévision du Conference Board inscrite au budget voit l'inflation grimper de 1,7 % en 2014 dans la région de Montréal, soit 1,1 point de moins que l'augmentation du compte de taxes.

Hier, en présentant le budget, le maire Denis Coderre avait changé son discours, à l'écrit comme à l'oral, affirmant plutôt avoir promis de ne pas hausser les charges fiscales de l'administration centrale de plus de 2 %. Promesse de politicien...

Cela dit, il faut reconnaître que la nouvelle administration a fait de réels efforts pour contenir les dépenses. En 2014, la Ville prévoit dépenser 4,9 milliards de dollars pour assurer les services à la population et payer ses dettes, soit une hausse réelle de 1,3 % par rapport à 2013. En comparaison, les budgets des administrations précédentes ont grimpé trois fois plus vite au cours des huit années précédentes, soit de 3,7 %, en moyenne.

Pour contenir les dépenses, l'administration Coderre-Desrochers coupe notamment 251 postes au sein de certains services centraux, ce qui lui permet d'économiser 22,3 millions, ou 5 % de la rémunération globale des services centraux. Les divisions Qualité de vie, Ressources matérielles, de même qu'Affaires juridiques et Évaluation foncière sont particulièrement touchées.

Globalement, le nombre de postes restera pratiquement inchangé, toutefois, notamment parce que les arrondissements, de leur côté, ont gonflé le nombre de leurs employés et que la Ville affecte environ 70 personnes dans de nouveaux services. Au cours des cinq années précédentes, les administrations Tremblay-Applebaum-Blanchard avaient augmenté le nombre de postes d'environ 1460 ou 7 %.

En somme, la nouvelle administration ne respecte pas pleinement ses promesses, mais elle réussit tout de même, moins de trois mois après son entrée en poste, à imprégner sa marque.

C'est à plus long terme qu'on verra sa capacité à transformer les façons de faire de la Ville. D'ici quelques années, Montréal veut être dans « le premier quartile des villes les plus performantes au pays ». Toute une commande !

Pour ce faire, la nouvelle administration compte établir le coût de chaque service offert à la population, ce qui lui permettra de se comparer avec les meilleures organisations dans le domaine. La banque de données sera publique.

Denis Coderre et son équipe devront aussi régler le problème des régimes de retraite, dont la facture augmente sans cesse. En 2002, Montréal devait consacrer 130 millions à son régime de retraite. Aujourd'hui, la facture est presque quatre fois plus élevée, à 597 millions.

Cet épineux problème, Denis Coderre espère qu'il se résorbera avec la loi qu'adoptera prochainement la ministre du Travail, Agnès Maltais. Dans ce projet, la ministre propose notamment d'obliger les employés des municipalités à assumer 50 % des coûts des régimes. Actuellement, les cols bleus de la Ville contribuent pour 45 %.

Quoi qu'il en soit, la Ville n'allégera pas son lourd budget sans toucher davantage à sa masse salariale. Globalement, la rémunération des employés atteint 2,5 milliards de dollars, soit la moitié du budget. Or, une part substantielle de l'autre moitié du budget est incompressible, notamment le service de la dette, ce qui laisse peu d'espace pour les économies.

Comme le disait le coloré Luc Ferrandez dans une entrevue au journal Métro, il faut des réformes en profondeur. « A-t-on réellement besoin de quatre pompiers dans un camion à un million de dollars pour secourir une personne évanouie, en attendant l'ambulance ? »