Vous en voulez encore, des bonnes nouvelles? Chez Hydro-Québec, le déficit de 4,6 milliards de dollars a été complètement éliminé en 2013. Au Mouvement Desjardins, le déficit de 4,0 milliards a été réduit de moitié. Chez Bombardier, l'amélioration se chiffre aussi en centaines de millions de dollars.

Je parle, bien sûr, des régimes de retraite, dont les fonds serviront à assurer vos vieux jours. Le jeudi 9 janvier dernier, je faisais état de l'amélioration spectaculaire des régimes de retraite canadiens. Essentiellement, les excellents rendements et les hausses des taux à long terme en 2013 sont responsables de ce revirement inattendu.

L'embellie donne tout un répit aux entreprises, mais aussi à des centaines de milliers d'employés, comme chez Hydro (22 500 cotisants) et au Mouvement Desjardins (38 000 cotisants).

La loi oblige les entreprises privées à calculer le déficit de leur régime de retraite dans l'hypothèse où elles cesseraient immédiatement leurs activités. Chez Hydro, ce déficit de solvabilité était de 4,6 milliards au 31 décembre 2012, et les fonds du régime lui auraient permis de rembourser seulement 78% de ses obligations, advenant la terminaison du régime.

Au 31 décembre 2013, grâce à l'embellie, le ratio de solvabilité est passé à près de... 100%, selon les premières estimations que nous a communiquées Hydro-Québec. Le déficit a donc pratiquement disparu. Conséquemment, Hydro n'aura plus à renflouer son régime à coups de millions de dollars comme elle le fait chaque année depuis 2007 (393 millions en 2012).

Il s'agit d'une excellente nouvelle. Toutefois, elle ne changera presque pas le bénéfice comptable d'Hydro. L'argent pour renflouer le régime affectait plutôt ce qu'on appelle la trésorerie de la société d'État et son endettement. Pas d'impact à court terme sur les tarifs d'électricité, donc.

Les organisations sont aussi tenues de calculer le déficit de leur régime d'une autre façon. Cette fois, elles doivent faire l'hypothèse qu'elles poursuivront leurs affaires indéfiniment. Ce déficit de capitalisation, tout comme le ratio de capitalisation, est également utilisé par les municipalités, mais il fluctue moins fortement que le déficit de solvabilité.

Tout de même, chez Hydro, ce ratio de capitalisation a bondi de 10 points et atteint maintenant environ 115%, ce qui se traduit par un surplus (oui, oui, un surplus) de près de 3 milliards!

Au Mouvement Desjardins, la situation n'est pas aussi reluisante, car l'institution partait de plus loin. Quand même, le déficit de 4 milliards au 31 décembre 2012 a fondu d'environ 50%, selon les estimations préliminaires. Le ratio de solvabilité, qui était de 64% au 31 décembre 2012, a probablement grimpé aux environs de 80%.

Ces dernières années, Desjardins a significativement réduit les risques du régime, selon le vice-président, Sylvain Gareau. L'un des éléments les plus coûteux des régimes est l'indexation au coût de la vie des versements lors de la retraite. Or, l'institution a plafonné à 1% l'indexation des futurs versements à la retraite, plutôt que 3%.

De plus, les versements seront basés sur les salaires des huit meilleures années de service, plutôt que cinq. Enfin, le portefeuille d'investissement ne comprend plus que 32% d'actions. Le régime de Desjardins a un ratio de capitalisation de 87% au 31 décembre 2012, probablement inchangé en 2013.

Que faire des surplus?

Les problèmes sont loin d'être réglés pour bien des régimes, notamment ceux des municipalités. Il reste que si la tendance se maintient, certains engrangeront des surplus avant longtemps, ce qui les obligera à se poser la «douloureuse» question: que fait-on des surplus?

En principe, ce sont les entreprises qui bénéficient des surplus, mais elles sont néanmoins responsables des déficits. En pratique, la situation varie selon le régime, surtout pour les entreprises syndiquées.

Cela dit, les autorités encadrent l'utilisation des surplus, ce qui se traduit souvent par des congés de cotisation des entreprises. Au Québec, depuis 2010, les entreprises ne peuvent s'approprier les surplus à moins que le ratio de solvabilité n'atteigne 107%. Avant 2010, ce ratio cible était de 100%, mais la loi a changé, compte tenu des lourds déficits des dernières années.

Les surplus sont toutefois plafonnés par la Loi de l'impôt, car ils sont non imposables. Depuis 2011, les régimes ne peuvent avoir des ratios de capitalisation de plus de 125%. Avant, ce seuil imposé par Revenu Canada était de 110%, ce qui explique pourquoi bien des employeurs ont pris des congés de cotisation.

Plusieurs lecteurs reprochaient à leurs employeurs d'avoir indûment fait main basse sur les surplus dans le passé, ce qui explique, selon eux, les déficits des dernières années. En réalité, les déficits sont essentiellement attribuables aux taux d'intérêt extrêmement bas et aux mauvais rendements.

Postes Canada

Chez Postes Canada, les syndicats ont poursuivi le gouvernement fédéral après qu'il se fut approprié les surplus de 15 milliards en 2000 pour réduire le déficit (loi C-78). Après 12 ans de litige, la Cour suprême a confirmé les décisions des tribunaux inférieurs, en décembre 2012, et statué que le gouvernement avait clairement le droit d'utiliser les surplus au-delà de 110% de capitalisation.

Au 31 décembre 2012, le régime de Postes Canada était en déficit de solvabilité de 5,9 milliards (ratio de 75%). Par contre, le régime n'avait pratiquement pas de déficit de capitalisation (ratio de 99,8%). L'entreprise n'a pas répondu à nos questions concernant 2013.