Que le Groupe CGI soit responsable ou non des problèmes du projet Obamacare ne change pas grand-chose. Du moins pour le moment. La multinationale informatique de Montréal est frappée de plein de fouet, son titre boursier a perdu 2,5 % hier et sa réputation est ternie.

Hier, deux médias respectés, sur la base de sources anonymes, ont affirmé que le gouvernement américain ne renouvellera pas le contrat de gestion qui le lie à la filiale CGI Federal pour la plate-forme Obamacare. Le contrat vient à échéance en février et c'est le concurrent Accenture qui remplacera CGI, selon The Washington Post et Bloomberg. En fin de journée, CGI a confirmé la nouvelle au Washington Post, mais n'a pas rappelé La Presse.

Il est bien possible que le dossier soit politique. Que CGI serve de bouc émissaire aux démocrates pour justifier les multiples bogues auxquels font face les Américains avec le site HealthCare.gov., destiné à donner une assurance maladie aux moins nantis.

À la fin d'octobre dernier, la secrétaire à la Santé et aux Services sociaux des États-Unis, Kathleen Sebelius, a reconnu devant un comité parlementaire qu'il aurait fallu accorder à CGI des mois de tests avant de lancer le système plutôt que deux semaines.

Le projet informatique, faut-il le rappeler, est l'un des plus complexes jamais mis de l'avant par le gouvernement américain. CGI Federal a été embauché comme principal maître d'oeuvre en septembre 2011.

Pour le gouvernement de Barack Obama, dont c'est le projet-phare, transférer le blâme sur une entreprise canadienne pourrait donc être une façon simple de se sortir du pétrin.

Cela dit, il est bien possible, également, que CGI ait une part de responsabilité dans cette affaire. À la fin de l'été, CGI aurait exprimé sa confiance aux autorités américaines qu'elle était en mesure de livrer un système fonctionnel simplifié à la date prévue, le 1er octobre, selon The Washington Post. Or, au moment du lancement, l'entreprise a été incapable de livrer 45 % de ce qui état promis, selon des documents que dit avoir obtenu le quotidien.

Ce n'est pas tout. La loi fédérale permet aux États américains de monter leur propre système pour offrir l'assurance-maladie plutôt que de s'en remettre au site fédéral conçu par CGI. Or, deux des États qui ont choisi CGI pour leur propre site, le Vermont et le Massachusetts, ont récemment annoncé qu'ils retiennent les paiements promis à la firme montréalaise en raison des difficultés de leur système.

Selon le Post et Bloomberg, le gouvernement américain signera un contrat avec le géant Accenture pour remplacer CGI comme gestionnaire du système fédéral. Deuxième firme informatique dans le monde, Accenture est le maître d'oeuvre du nouveau système d'assurance-maladie de la Californie, le meilleur des sites parmi les États qui ont choisi d'être autonomes, selon Bloomberg.

Accenture n'a toutefois pas une feuille de route sans tache. L'entreprise a eu un litige devant les tribunaux avec le gouvernement américain, qui s'est finalement réglé hors cour, en septembre 2011, par le paiement de 63 millions de dollars US. Comme quoi le monde informatique évolue dans un univers exigeant...

Que le Groupe CGI soit responsable ou non des problèmes du projet Obamacare ne change pas grand-chose. Du moins pour le moment. La multinationale informatique de Montréal doit maintenant réparer les dommages causés à sa réputation et redonner confiance aux clients et aux investisseurs qui pourraient douter de ses capacités.

L'affaire est délicate. CGI ne peut publiquement dénigrer ses clients gouvernementaux américains, au risque de perdre de futurs contrats, ni admettre directement une faute, compte tenu des possibles recours judiciaires.

« Le coup est difficile. L'entreprise doit entreprendre un plan de communication solide et à long terme, avec un message crédible. Au cours des prochains mois, elle devra mettre l'accent sur ses bons coups », croit Pierre Hurtubise, associé principal de la firme de relations publiques Octane Stratégies.

Bref, la direction a un beau cas de gestion sur les bras.