Nous sommes le 4 janvier 2050. Le fils de Justin Trudeau vient d'être élu premier ministre du Canada, et les réserves rentables de pétrole bitumineux sont désormais épuisées.

Depuis quelques années, ce sont des robots qui font le lavage et l'entretien ménager. L'épicerie vous est livrée par des mini-drones, qui circulent à grande vitesse dans le ciel. La semaine dernière, d'ailleurs, il y a eu un spectaculaire accident de drones, au nord de Montréal, causée par une tempête de neige. Les patates, les petits pois et les dindes de Noël volaient dans le firmament...

En cette moitié du XXIe siècle, le plus grand changement n'est pas matériel, cependant, mais financier. Plutôt que d'accumuler les déficits, le gouvernement fédéral nage dans les surplus. De fait, au cours du présent exercice, qui se termine le 31 mars 2051, le gouvernement fédéral encaissera un surplus de... 212 milliards de dollars.

Incroyable, cette vision futuriste? C'est pourtant ce que prévoit très sérieusement le ministère des Finances du Canada dans ses documents budgétaires de novembre dernier (2013 cette fois, et non 2050). Je parle évidemment des prévisions financières, et non des accidents de drones.

La première ébauche des finances du futur a été produite en octobre 2012 à la recommandation du vérificateur général, qui s'inquiète de l'impact du vieillissement de la population sur l'économie. Le ministère des Finances a fait une mise à jour en novembre 2013.

Pour arriver à leurs fins, les économistes du Ministère ont tenu compte d'une série de facteurs. D'abord, ils ont estimé la part de la population qui sera en âge de travailler au cours des 40 prochaines années. L'an dernier, il y avait 4,6 personnes en âge de travailler (de 15 à 64 ans) pour une personne de 65 ans ou plus. En 2050, cette proportion tombera à 2,4.

Il va sans dire que ce changement aura une incidence majeure sur l'économie et les recettes du gouvernement. Les dépenses de santé seront aussi affectées et, à cet égard, le gouvernement fédéral prévoit que les transferts aux provinces pour la santé augmenteront au même rythme que l'économie (PIB nominal), en plus d'une croissance de 3% des transferts pour les programmes sociaux.

Une série d'autres critères sont pris en compte, comme le taux de fécondité (1,7 enfant par femme jusqu'en 2050), l'espérance de vie (qui passera de 82,9 ans à 87,3 ans pour les femmes) et la croissance de la productivité (de 1,2 à 1,3% par an sur toute la période).

Bien sûr, les sorciers du Ministère font aussi une prévision à long terme du produit intérieur brut (PIB) nominal, dont la croissance varierait essentiellement entre 3,6 et 4,3% par année sur la période. Après inflation, le PIB réel croîtra plutôt de 1,7 à 2,3%.

Les experts du Ministère estiment que tous les revenus fiscaux, y compris l'impôt sur le revenu et les taxes à la consommation, augmenteront au rythme du PIB nominal. Attention, cette hypothèse ne signifie pas que les taux d'imposition augmenteront, mais que les impôts collectés seront plus importants, compte tenu de la croissance économique.

Bref, tous ces critères, et biens d'autres, permettent au Ministère de faire des prévisions au sujet des équilibres financiers du gouvernement.

Qu'en est-il, au bout du compte? Le gouvernement commencera à enregistrer de légers excédents budgétaires en 2015-2016, comme le ministre Jim Flaherty l'a annoncé récemment. Ce surplus passerait à 10 milliards en 2021-2022, puis à 27 milliards 10 ans plus tard. Les excédents continueraient d'augmenter progressivement pour atteindre 85 milliards en 2040-2041 et 212 milliards au cours de l'exercice 2050-2051.

Autrement dit, Ottawa nagera dans les surplus, prévoit le Ministère.

Bien entendu, ces surplus auraient pour effet de faire fondre la dette. Cette dette fédérale, actuellement de quelque 627 milliards, serait progressivement réduite à 419 milliards en 2030. Selon la boule de cristal du fédéral, elle pourrait complètement disparaître vers 2038.

À partir de cette date, le gouvernement fédéral ressemblerait à l'Alberta, libre de toute dette. Il pourrait même s'accumuler une cagnotte de 1600 milliards en 2050! N'est-ce pas formidable?

Cela étant dit, faut-il accorder une quelconque crédibilité à ces prévisions? Plus ou moins. Comme les météorologues, les économistes sont en mesure de prévoir l'économie à court terme, mais leurs prévisions sont hasardeuses à long terme.

Des récessions prolongées, des crises financières, des chocs énergétiques ou des guerres peuvent venir complètement bouleverser le paysage économique. Par exemple, quels seront les impacts des coûts environnementaux du réchauffement de la planète sur les finances publiques? Qui plus est, les prévisions ne tiennent pas vraiment compte des finances des provinces. Bref, il ne faut pas trop rêver.

Ces prévisions nous permettent néanmoins d'avoir une idée de l'impact des décisions d'aujourd'hui sur le long terme. Et ils démontrent une chose: le Canada a une économie en très bonne santé, bien meilleure que la plupart des autres pays dans le monde.

Sur ce, il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une belle année 2014, remplie de santé et de... prospérité.

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