Puis-je me permettre de vous expliquer le sujet de l'heure. Vous faire comprendre simplement pourquoi le plan de la ministre Agnès Maltais n'est pas fou, finalement.

Les faits d'abord, incontournables: les fonds accumulés dans vos régimes de retraite sont insuffisants pour assurer pleinement vos vieux jours. Du moins, c'est le cas de la grande majorité des régimes qu'on appelle à prestations déterminées, ceux qui garantissent des versements à la retraite aux participants, peu importe l'évolution des marchés financiers. Il y a des fonds, oui, mais ils ne couvrent qu'environ 74% des besoins.

Au Québec, 1,2 million de participants (travailleurs et retraités) sont couverts par de tels régimes, dont environ les trois quarts viennent du privé. Pour être plus juste, il faut dire que ce chiffre - et tout le débat entourant le rapport D'Amours - exclut les employés de la fonction publique du Québec et du Canada (650 000 travailleurs).

Pour le groupe de 1,2 million de participants impliqué, donc, le déficit des régimes de retraite s'élève à 41 milliards, selon le rapport D'Amours, répartis à peu près également entre le privé et le public. Quarante et un milliards, c'est de l'argent en titi, l'équivalent de 200 000 maisons!

Le public

Dans son plan, la ministre Maltais propose essentiellement deux mesures. L'une touche les entreprises et l'autre, les organismes publics, comme les municipalités et les universités.

Pour les organismes publics, la mesure est simple: le gouvernement veut rendre obligatoire le partage des coûts à parts égales entre les employés et l'employeur. Autrement dit, les employés des villes devront faire comme la plupart de leurs semblables au privé, c'est-à-dire assumer 50% des coûts du régime, à même leur paie, plutôt que 30 ou 40%, par exemple.

Pour l'instant, ce partage 50/50 ne vise pas le déficit passé du régime (celui des retraités), mais simplement le déficit pour les services futurs. À Montréal, rappelons-le, les cols bleus ont signé une entente «historique», l'an dernier, pour assumer 45% des services futurs. La nouvelle loi fera passer leur part à 50%.

À Québec, le maire Régis Labeaume veut régler non seulement le déficit pour les services futurs, mais également celui du passé. Hier, au cours d'une rencontre avec les élus municipaux, la ministre Maltais s'est montrée ouverte à ce que la nouvelle loi impose des solutions pour le déficit passé.

Le privé

Pour les entreprises privées, la mesure proposée est tout autre. Agnès Maltais veut raffiner la méthode de calcul des déficits des régimes, ce qui aurait pour effet de les réduire significativement.

Actuellement, les entreprises doivent calculer le déficit de leurs régimes comme si elles faisaient faillite. Dans un tel cas, toutes les obligations futures d'un régime sont calculées, à la valeur actuelle, en se basant sur des rendements très faibles, calqués sur les obligations fédérales à moyen et à long terme.

Plus ces rendements sont faibles, plus le déficit estimé aujourd'hui est important. De plus, le déficit doit être amorti sur 5 ans ou 10 ans, plutôt que 15 ans. C'est ce qu'on appelle le déficit selon la méthode de solvabilité.

Les gouvernements, en comparaison, ne sont pas tenus de faire un tel calcul pour le régime de leurs employés, parce qu'ils ne peuvent pas déclarer faillite. On utilise plutôt la méthode dite de capitalisation. Cette méthode, beaucoup moins exigeante, utilise des rendements plus élevés et le paiement du déficit est amorti sur 15 ans.

Dans son plan, la ministre Maltais a accepté que les municipalités et les universités fassent comme les gouvernements et calculent leur déficit avec la méthode de capitalisation. Pour les municipalités, le déficit passe ainsi de 9 milliards à environ 4 milliards, estime le rapport D'Amours.

Dans le cas des entreprises, la ministre propose d'opter ni pour le déficit de solvabilité ni pour le déficit de capitalisation, mais pour un déficit de «capitalisation améliorée», entre les deux. Pour ce faire, on propose d'utiliser un rendement moins exigeant que pour le calcul du déficit de solvabilité, mais plus exigeant que pour celui de la méthode de capitalisation. De plus, le déficit serait amorti sur 15 ans plutôt que 5.

Pour une entreprise type, par exemple, le déficit (et les versements annuels pour l'éponger) pourrait diminuer de 35%. Ce serait un bon coup de main pour les entreprises.

Ce beau plan Maltais serait implanté d'ici la fin de 2015, soit plus vite que ne le suggérait le rapport D'Amours. Avant d'y arriver, il faudra des négociations entre les employés et les employeurs de chaque ville et entreprise. La loi serait déposée en février prochain.

Les élus municipaux sont satisfaits du plan, sauf pour une chose: ils déplorent que ce soit la Commission des relations de travail (CRT) qui tranche si les négociations et la conciliation échouent. La CRT, disent-ils, ne gère pas les fonds publics et connaît peu de choses aux régimes de retraite.

Rien n'est parfait, mais une chose est sûre: le Québec est en voie de résoudre son problème de régime de retraite.