Au cours de la dernière campagne électorale municipale, il a été abondamment question de la situation financière précaire de certaines municipalités, notamment Montréal, et des impacts sur les services publics et l'entretien des routes et autres infrastructures.

En parallèle, bien des citoyens se plaignent du niveau trop élevé des impôts fonciers, ce qui a incité tous les candidats à la mairie de Montréal, dont le gagnant Denis Coderre, à promettre de ne pas hausser les taxes plus vite que l'inflation.

Or, une vaste étude parue la semaine dernière donne un éclairage consternant sur l'un des éléments-clés de l'équation impôts/services: la rémunération des fonctionnaires municipaux. Non seulement les employés municipaux sont nettement mieux payés que les autres, mais encore leur avantage s'est fortement accru depuis cinq ans.

L'étude publiée par l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) compare 77 emplois repères dans différentes catégories des secteurs public et privé. Tout est pris en compte: salaires, avantages sociaux, régimes de retraite, heures chômées payées, etc. L'ISQ s'assure qu'il s'agit d'emplois semblables.

Le mandat de l'ISQ est de comparer les employés du gouvernement du Québec avec les autres, mais elle nous permet, par ricochet, de comparer aussi les secteurs entre eux. L'étude est faite pour les organisations de 200 employés et plus et les municipalités de 25 000 habitants et plus.

Voyons ce qu'il en est. Globalement, la rémunération horaire des employés municipaux est maintenant de 37,9% plus élevée que celle des fonctionnaires du gouvernement du Québec. Loin de se résorber, l'écart s'accroît sans cesse. Il était de 22,7% en 2008, de 29,6% en 2010 et de 33,6% l'an dernier.

Essentiellement, deux éléments contribuent à creuser le fossé: les hausses salariales plus modestes au provincial et l'augmentation de la part versée par les villes au régime de retraite de leurs employés.

Un exemple? Au provincial, l'employeur consacre 32,64$ l'heure pour une secrétaire de niveau 2, ce qui comprend toutes les formes d'avantages. En comparaison, la même secrétaire gagne 38,41$ au fédéral et 46,05$ au municipal, soit 41% de plus qu'au provincial.

Hydro-Québec

L'étude de l'ISQ révèle également qu'il y a un autre groupe choyé: les employés des entreprises publiques (Hydro-Québec, Loto-Québec, Postes Canada, etc.). L'ISQ ne ventile pas la rémunération par société d'État, elle donne seulement les données d'ensemble.

Ainsi, la rémunération horaire des employés qui travaillent pour ces entreprises publiques est de 35,8% plus élevée que celle de leurs collègues qui sont directement embauchés par le gouvernement du Québec. L'écart était de 22,7% en 2008.

La situation est éloquente pour les ingénieurs, dont l'échantillon pour les entreprises publiques est principalement composé des ingénieurs travaillant pour Hydro-Québec. Selon l'ISQ, un ingénieur de niveau 2 gagne en moyenne 89,11$ l'heure dans les entreprises publiques, soit 52% de plus qu'au provincial, 39% de plus qu'au privé et 23% de plus qu'au municipal!

Je n'ai rien contre les employés compétents qui font de bons salaires ou même de très bons salaires. Ces écarts montrent toutefois qu'il y a carrément deux groupes de citoyens au Québec: ceux qui travaillent pour les municipalités ou les entreprises publiques et les autres. Le deuxième groupe a été touché par la crise et a dû faire des sacrifices, alors que ce n'est pas le cas du premier groupe, qui a continué de bénéficier de conditions en or, aux frais des contribuables.

Sous-payés au provincial

Pendant ce temps, les fonctionnaires du gouvernement du Québec sont sous-payés. Or, qu'arrive-t-il, à long terme, quand des emplois sont sous-payés? Deux choses: soit l'organisation fait face à une pénurie de main-d'oeuvre, soit elle pourvoit les postes avec des employés moins compétents, ce qui finit par avoir des conséquences sur les services publics (inspections de chantier, etc.).

Bien sûr, il y a quelques fonctionnaires provinciaux très compétents qui ont la vocation ou qui ne jurent que par la permanence à vie, mais avec le temps, ils doivent être de plus en plus rares...

-------------------

PUBLIC ET PRIVÉ: LES ÉCARTS DE SALAIRE (1)

[Secrétaire (niveau 2) | Technicien en administration (niveau 1-2) | Ingénieur (niveau 2)]

Provincial : 32,64 $ | 38,33 $ | 58,57 $

Privé non syndiqué : 33,25 $ | 33,74 $ | 56,04 $

Fédéral : 38,41 $ | 45,18 $ | 78,42 $

Privé syndiqué : 38,89 $ | 44,78 $ | 64,06 $

Municipal : 46,05 $ | 53,00 $ | 72,26 $

Entreprises publiques (2) : 47,08 $ | 48,50 $ | 89,11 $

Écart

Provincial/Privé non syndiqué : -1,9% | +12,0% | +4,3%

Provincial/Fédéral : -17,7% | -17,9% | -33,9%

Provincial/Privé syndiqué : -19,1% | -16,8% | -9,4%

Provincial/Municipal : -41,1% | -38,3% | -23,4%

Provincial/Ent. publiques : -44,2% | -26,5% | -52,1%

1- Il s'agit de la rémunération horaire globale, avantages sociaux et régime de retraite compris

2- Comprend des entreprises publiques comme Hydro-Québec, Loto-Québec, Postes Canada, etc.

Source: Institut de la statistique du Québec