Hydro-Québec tente de justifier une hausse salée de ses tarifs en se comparant au secteur privé. Voici pourquoi sa demande ne tient pas la route.

D'abord, il faut savoir que les demandes tarifaires d'Hydro-Québec doivent être approuvées par la Régie de l'énergie, puisqu'Hydro-Québec est un monopole d'État. Pour l'année qui commence le 1er avril 2014, Hydro réclame une majoration de ses tarifs de 5,8%, ce qui est quatre fois l'inflation.

Dans sa requête, la société d'État se plaint du carcan que lui impose la Régie depuis une dizaine d'années concernant le rendement de ses capitaux. Ce rendement est plafonné à 6,4%, et Hydro voudrait qu'on l'autorise à le faire passer à 9,2%, comme dans le secteur privé de l'énergie. Cette augmentation lui permettrait de faire gonfler ses profits par l'entremise d'une hausse de tarifs.

Selon Hydro-Québec, le rendement doit être rehaussé parce que l'entreprise est plus risquée qu'avant, essentiellement. Son réseau vieillit, et l'économie vacille. Or, plus un investissement est risqué pour un actionnaire - dans ce cas-ci, le gouvernement du Québec -, plus cet actionnaire exige un rendement élevé, selon une règle de base en finance.

Cet argument semble censé, mais il ne tient pas la route. Dans les faits, Hydro-Québec cherche surtout à augmenter ses tarifs pour répondre à des commandes politiques et satisfaire ses employés.

Depuis 2009, à la demande du gouvernement, Hydro-Québec est obligée d'acheter l'énergie produite par les éoliennes et par certaines usines de pâtes et papiers. Cette énergie est beaucoup plus chère que les autres formes d'énergie électrique. En 2014, Hydro devra décaisser 173 millions de dollars pour en faire l'achat, soit 128 millions de plus que le coût de son bloc patrimonial d'énergie, selon une étude de l'Union des consommateurs.

Cette commande du gouvernement - libéral à l'époque - est certes motivée par des questions environnementales et de développement des régions, notamment la Gaspésie, mais elle n'a rien à voir avec les risques d'Hydro-Québec. C'est une décision politique qu'on veut faire payer par Hydro-Québec plutôt que par les contribuables par l'entremise d'une hausse des impôts.

Autre commande imposée à Hydro-Québec: la hausse du dividende versé au gouvernement. Non seulement Hydro doit-elle éponger la facture des éoliennes, mais aussi elle doit hausser ses profits de 200 millions d'ici 2 ans, est-il indiqué dans le budget de novembre 2012. Pour le risque, on repassera.

En plus des commandes politiques, la société d'État doit composer avec les généreuses conditions de travail de ses employés. Les salariés d'Hydro ont l'un des régimes de retraite les plus généreux au Canada. Or, ce régime affichait un déficit de 4,6 milliards au 31 décembre 2012. L'an dernier, Hydro a dû verser près de 400 millions pour amortir ce déficit. Autant d'argent qui n'est pas retourné à ses clients ou au gouvernement.

Et il y a bien sûr les salaires. Normalement, que fait une entreprise privée pour augmenter son rendement? Elle peut augmenter le prix de ses produits, si la concurrence est faible, mais elle doit surtout réduire ses coûts en étant plus efficace ou en contrôlant les salaires de ses employés.

Or, qu'en est-il chez Hydro? Des ententes de principe viennent d'être signées par ses employés. Selon TVA Nouvelles, les employés toucheront des hausses de salaire respectables au cours des cinq prochaines années.

D'abord, les primes qu'on croyait abolies par le gouvernement seront intégrées aux salaires. Ainsi, en 2014 et en 2015, le salaire de base sera gelé, mais en échange, Hydro continuera de verser une prime de 4,2% pour chacune des deux années.

À partir de la troisième année, les hausses seront appliquées sur le salaire de base qui aura été majoré de la prime. Selon TVA, les augmentations seront de 3% en 2016, de 2,75% en 2017 et de 2,5% en 2018.

En somme, sur 5 ans, la hausse annuelle sera de 2,5% si l'on prend comme hypothèse que les primes auraient dû être abolies ou de 1% si l'on juge qu'elles faisaient partie des salaires. Rappelons que l'inflation est de 1,3% cette année au Québec.

Les employés sont ravis de cette entente. Récemment, les membres d'un des huit syndicats l'ont approuvée dans une proportion de 92%.

En somme, la demande de hausse de tarifs d'Hydro-Québec est faite pour toutes sortes de raisons qui n'ont rien à voir avec le privé ou avec les risques. L'objectif est de verser plus d'argent au gouvernement et de ne pas entrer en guerre contre ses employés.

Le gouvernement péquiste, plutôt que d'obliger Hydro à faire des acrobaties devant la Régie, aurait été plus avisé de dégeler les tarifs du bloc patrimonial tel que proposé par le libéral Raymond Bachand. Ce dégel aurait aisément justifié une hausse des tarifs devant la Régie, dont le gouvernement aurait profité pour atteindre le déficit zéro.