Le gouvernement péquiste pourrait bien reporter d'un an l'atteinte du déficit zéro, s'il le voulait. Une telle décision aurait toutefois des conséquences non négligeables: en vertu de la loi, le gouvernement devrait faire deux fois plus de coupes, pour compenser, l'année suivante!

De fait, tout déficit de moins de 1 milliard de dollars pour une année donnée doit être compensé l'année suivante par un surplus équivalent, selon la loi. Autrement dit, Québec devrait passer d'un déficit de 1 milliard cette année, par exemple, à un surplus de 1 milliard l'an prochain, soit un écart de... 2 milliards. Cet écart devrait être comblé par des coupes sévères dans les dépenses ou par des hausses de taxes ou d'autres revenus.

La Loi sur l'équilibre budgétaire est restrictive pour empêcher le gouvernement de repousser les décisions difficiles par électoralisme. Cette sévérité n'est guère surprenante: la première mouture de la loi a été adoptée en 1996 par le gouvernement de Lucien Bouchard après 35 ans de déficits consécutifs. Les versions subséquentes de la loi ont été adaptées au contexte, mais essentiellement, on a conservé le même esprit.

Le sujet refait surface dans le contexte économique difficile que traverse le Québec depuis quelques mois. Le taux de chômage est passé de 7,1% en janvier à 8,2% en juillet. La mesure ultime de l'économie, le produit intérieur brut (PIB), a connu deux mois sans croissance en avril (-0,2%) et en mai (0%). Et juin risque d'être négatif, compte tenu de la grève dans l'industrie de la construction.

Certes, le Québec n'est pas en récession, n'ayant pas connu deux trimestres consécutifs de recul du PIB. Et l'économie risque de reprendre au troisième trimestre, selon les prévisionnistes. N'empêche, le ralentissement a diminué les recettes du gouvernement, si bien que certains craignent qu'il ne doive reporter l'atteinte du déficit zéro, prévu durant l'exercice en cours, qui se termine le 31 mars 2014.

Au cours des deux premiers mois de l'exercice (avril et mai), le gouvernement a enregistré un déficit de 1,1 milliard. Il devra se creuser la tête pour trouver des fonds et atteindre l'équilibre budgétaire au cours des prochains mois, à moins de le reporter à l'année suivante.

En fait, non seulement devrait-il trouver 1,1 milliard, mais il devra aussi chercher 250 millions de plus. En effet, le gouvernement a raté sa cible de déficit pour l'exercice terminé le 31 mars dernier, fixée à 1,5 milliard. La cible a été manquée par 250 millions et, comme le veut la loi, le gouvernement doit combler cet écart au cours du présent exercice.

J'entends votre question: comment le gouvernement a-t-il pu enregistrer quatre déficits consécutifs importants ces dernières années sans être hors la loi? C'est que l'article 10 de la Loi sur l'équilibre budgétaire prévoit que le gouvernement peut encourir des déficits de plus de 1 milliard pendant cinq ans dans des circonstances particulières.

Trois cas sont prévus: 1- une catastrophe qui aurait un impact majeur sur les revenus et dépenses, 2- une détérioration importante des conditions économiques, 3- une coupe subite et substantielle des transferts fédéraux.

Ces circonstances ne relèvent pas le gouvernement de son obligation de résorber au moins 1 milliard de déficit l'année suivante, toutefois. Et la loi exige qu'au moins 75% du déséquilibre total soit comblé durant les quatre premières années d'un plan de cinq ans.

Certains pourraient penser que le gouvernement Marois jouera sur les mots pour se soustraire à ses obligations de l'année en affirmant que le Québec connaît «une détérioration importante des conditions économiques». C'est peu probable: pour faire valoir cette clause de la loi, il faut essentiellement que le Québec tombe en récession, ce que les économistes ne prévoient pas.

Et quoi qu'il en soit, il est bien possible que les finances publiques remontent la pente au cours des prochains mois. En plus du facteur économique, avril et mai sont des mois traditionnellement négatifs pour des raisons administratives. Ainsi, au cours des quatre dernières années, le déficit a été de 1,2 milliard pour ces deux mois, en moyenne.

Bien sûr, le gouvernement pourrait décider de changer la loi pour reporter l'atteinte du déficit zéro sans subir de conséquences sur les années subséquentes. Avec son statut minoritaire, il devrait toutefois avoir l'assentiment d'un des deux autres partis pour ce faire.

Remarquez que selon le contexte économique, ce ne serait pas nécessairement une mauvaise décision. Certes, il faut une discipline de fer pour équilibrer les comptes. Toutefois, de plus en plus de voix s'élèvent pour dire qu'il ne faut pas faire du déficit zéro un dogme. Trop de coupes ou trop de taxes, dans certaines situations, peuvent nuire à l'économie et faire perdre au gouvernement des revenus au moins équivalents aux dépenses économisées.

Pour tout complément d'information, il faut lire la section G du dernier Plan budgétaire du ministre des Finances, Nicolas Marceau, sur le site internet du Ministère.

www.budget.finances.gouv.qc.ca/Budget/2013-2014/fr/documents/Planbudgetaire.pdf