J'aimerais bien mieux écrire le contraire, croyez-moi. Écrire que les Québécois s'enrichissent petit à petit, au point de rattraper les autres Canadiens.

Malheureusement, c'est l'inverse qui est en train de se produire. Sans tambour ni trompette, le Québec est passé derrière la région la plus pauvre, les Maritimes, concernant le revenu après impôts de ses habitants. Sur les 13 provinces et territoires au Canada, un seul fait vraiment pire que le Québec: l'Île-du-Prince-Édouard. En 2008, nous étions au 9e rang sur 13.

Ces chiffres concernent plus précisément ce qu'on appelle «le revenu personnel disponible par habitant», une statistique phare de l'économie. Les données ne viennent pas d'un groupe de réflexion de droite de l'Ouest ou d'un mouvement antisyndical. Non, ils ont été publiés en décembre dernier par l'Institut de la statistique du Québec (ISQ), société très crédible du gouvernement. Une mise à jour de certaines données a été rendue publique à la fin de juin par l'ISQ et Statistique Canada.

D'abord, le concept. Le revenu personnel disponible est calculé à partir de la somme de tous les revenus des ménages. Pour savoir ce qui reste aux ménages pour leurs dépenses et pour l'épargne, Statistique Canada soustrait de ces revenus l'impôt et les cotisations sociales (RRQ, CSST, assurance emploi, assurance parentale, assurance médicaments, etc.). Elle retranche également toutes les amendes (billets d'infraction routière et autres), de même que les droits d'immatriculation et autres droits (permis de chasse et pêche, etc.).

Une fois obtenu, le résultat d'une année donnée est divisé par la population de cette même année, enfants inclus. En 2012, donc, le revenu personnel disponible au Québec était de 24 985$ par habitant.

Ce revenu est en croissance de 6,4% depuis 5 ans, ce qui est une bonne nouvelle, puisqu'il s'agit d'une croissance réelle du revenu, l'inflation ayant été retranchée de ces données (elles sont exprimées en dollars constants de 2007). Le problème, c'est que ce revenu a crû plus vite au Canada sur cette période, soit de 7,6%.

Les comparaisons interprovinciales sont à jour seulement pour les années 2011 et avant (le Québec était à 24 495$ en 2011). Or, de 2007 à 2011, le Québec est progressivement passé derrière le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve-et-Labrador, si bien qu'en 2011, il devançait seulement l'Île-du-Prince-Édouard (22 149$) et il était à égalité avec la Nouvelle-Écosse (24 492$).

L'Ontario, qui a une structure industrielle semblable à celle du Québec, était à 27 191$ en 2011 et l'Ouest, à 30 007$.

Que s'est-il passé depuis 2007? Essentiellement, le revenu des ménages avant impôts a crû à la même vitesse au Québec qu'ailleurs au Canada. Par contre, les impôts sur le revenu et autres cotisations ont grimpé plus vite au Québec.

Ainsi, pour les Québécois, l'ensemble des versements aux gouvernements sont restés stables malgré une hausse de leurs revenus, accaparant 25% des revenus avant impôts. Pendant ce temps, ces versements diminuaient pour la moyenne canadienne, passant de 24,2% en 2007 à 22,7% en 2012.

Certains pourraient arguer, avec raison, que les Québécois paient plus d'impôts, mais obtiennent en retour plus de services: des garderies à 7$, des universités plus accessibles, des congés parentaux, des tarifs d'électricité plus bas qu'ailleurs, etc. Le problème, c'est que le Québec n'a pas vraiment plus de services aujourd'hui qu'en 2007, toutes proportions gardées.

En plus, les Québécois se sont vu imposer une pléthore d'autres frais depuis 2007 qu'ils doivent acquitter avec les 24 985$ de revenu disponible par habitant dont ils disposent.

En effet, les taxes et les tarifs ne sont pas pris en compte dans le calcul du revenu personnel disponible. Parmi eux, mentionnons l'imposante taxe de vente du Québec (TVQ), qui a augmenté de deux points de pourcentage depuis 2007, davantage qu'ailleurs au Canada. Il y a également la taxe scolaire, l'impôt foncier et les taxes sur le tabac, entre autres.

Croyez-moi, j'aimerais mieux écrire que les Québécois deviennent plus riches que leurs voisins, petit à petit. Qu'ils disposent d'excédents tels qu'il est possible d'améliorer le filet de sécurité sociale, de bonifier les retraites, de donner d'importantes augmentations de salaire aux ouvriers de la construction, de payer plus pour de l'énergie verte, d'instaurer facilement la rente de longévité du rapport D'Amours. Ce n'est malheureusement pas le cas.