Voici la première de deux chroniques sur Hydro-Québec et son régime de retraite. Aujourd'hui, il est question du monstrueux déficit du régime, payé par les contribuables, et demain, des conditions incroyablement avantageuses des employés d'Hydro.

C'est connu, Régis Labeaume ne fait pas dans la dentelle. Toutefois, ses sorties publiques soulèvent souvent des questions fort pertinentes.

Récemment, le maire de Québec affirmait que les régimes de retraite publics sont la plus grande menace pour les finances du gouvernement et des municipalités. Et que l'enjeu finira par créer deux classes de citoyens.

«Les syndicats veulent que ce soit le contribuable qui paye les déficits des régimes de retraite. Mais le contribuable, il y en a un sur deux qui n'a pas de fonds de retraite. On appelle ça de l'injustice, et les gens vont se révolter», a-t-il déclaré.

Dit autrement: pourquoi les contribuables devraient-ils payer plus de taxes pour préparer les vieux jours des fonctionnaires alors qu'eux-mêmes n'ont pas les moyens de le faire, bien souvent?

Un des meilleurs exemples pour illustrer la situation est le cas d'Hydro-Québec. Le régime de retraite des quelque 20 000 employés de la société d'État est l'un des plus généreux, mais aussi des plus déficitaires du pays. Au 31 décembre 2012, le déficit de solvabilité s'élevait à 4,6 milliards de dollars. Une autre société d'État, Postes Canada, devance Hydro-Québec à ce chapitre, avec un déficit de 5,9 milliards.

Les raisons qui expliquent ces déficits sont bien connues. Grosso modo, l'extrême faiblesse des taux d'intérêt a obligé les gestionnaires à dégonfler la valeur de leurs régimes, si bien que l'actif est devenu insuffisant pour combler les besoins.

Certes, la situation se replacera si les taux montent, mais en raison de la conjoncture économique, les taux demeurent au plancher depuis plusieurs années, ce que personne n'avait prévu. Quand et de combien remonteront-ils significativement? Nul ne le sait.

En attendant, devinez qui paie la note? Les contribuables. L'an dernier, Hydro-Québec a dû verser 394 millions de dollars pour amortir le déficit de son régime, tel que l'y oblige la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. C'est l'équivalent de 100$ pour chaque contribuable qui paie des impôts.

Cette somme n'a pas été versée en dividendes au gouvernement du Québec et n'a donc pas servi à assurer des services à la population ou à réduire le déficit du gouvernement. Non, ces 394 millions ont été utilisés pour préparer les vieux jours des employés d'Hydro.

Ils s'ajoutent aux cotisations courantes que fait Hydro pour son régime, de 256 millions, pour un total de 650 millions en 2012. Un tel versement n'est pas nouveau: depuis 2009, Hydro verse de 600 à 650 millions dans le régime, nous indique Ariane Connor, porte-parole de l'organisation.

Le boom des cotisations a été causé par la crise financière de 2008 et la chute des taux d'intérêt. Le déficit du régime d'Hydro est ainsi passé de 149 millions au 31 décembre 2007 à 4,6 milliards au 31 décembre 2012.

Pour solutionner le problème, le récent rapport du groupe présidé par Alban D'Amours recommande de modifier la façon de calculer les déficits dans des situations comme Hydro. On propose une formule de calcul mitoyenne dite de la «capitalisation améliorée». Dans le cas d'Hydro, la contribution annuelle au déficit fondrait de moitié, à environ 200 millions, selon Mme Connor.

Ce sont tout de même les contribuables qui paieraient encore la note, dont 47% n'ont aucune forme d'épargne collective pour leurs vieux jours.

On s'entend, les gestionnaires d'Hydro n'ont pas mal géré les fonds du régime ces dernières années. Ils ont même très bien fait, obtenant 8% de rendement sur 10 ans, au 8e rang centile des caisses comparables au Canada.

Les rendements ont même été si bons que les employés ont obtenu des congés de cotisation entre 1999 et 2003. Les taux de cotisation des employés ont progressivement augmenté par la suite, passant de 1% en 2004 à 7,5% en 2012.

Il reste qu'aujourd'hui, l'employeur est obligé de surcotiser pour maintenir le régime à flot, au détriment des contribuables. Et que ce régime est l'un des plus généreux du Canada, à en faire baver d'envie.

Demain, nous comparerons la «paye annuelle» d'un retraité d'Hydro-Québec à celle des prestataires des autres régimes de retraite. Attachez vos tuques, les écarts sont renversants.