D'abord, merci à Jacques Parizeau. Pourquoi merci? Parce que ses deux textes parus dans Le Devoir sur la situation financière du Québec ont le grand mérite de soulever un débat. Et que personne n'est perdant à débattre. Alors, débattons.

Essentiellement, l'économiste banalise nos problèmes financiers, les attribue aux méthodes comptables modernes et soutient que les chiffres sur la dette du Québec, mal présentés, exagèrent la situation. Il refait ses propres calculs, complexes, et affirme que «la situation n'est pas du tout celle qu'on se plaît à nous présenter».

Selon lui, on avait les moyens de se payer la gratuité à l'université, une bagatelle de 1 milliard, et la dette du Québec n'est pas un frein à l'indépendance.

Ce discours de Jacques Parizeau n'est pas nouveau. Depuis plusieurs années, l'ancien premier ministre minimise l'importance de la dette du Québec. En 1996, il parlait aussi du dogme du déficit zéro, discours semblable à celui d'aujourd'hui.

Décortiquons sa nouvelle analyse. Premier élément: les conventions comptables. Ces normes, reconnues par un institut indépendant, sont justement établies pour rendre les chiffres comparables entre les juridictions et les mettre à l'abri des interprétations partisanes des politiciens et des groupes d'intérêt.

Ces règles nous permettent d'avoir l'heure juste. Pour s'y conformer, le Québec a ainsi ajouté dans ses chiffres les déficits des hôpitaux et les résultats des commissions scolaires. Il a également inclus la valeur de ses engagements de retraite envers ses employés et tenu compte des énormes coûts de décontamination de certains de ses sites pollués.

Qui peut s'opposer à un portrait plus juste de notre situation? Or, ces règles permettent aujourd'hui de constater que le Québec a de loin la plus importante dette des provinces canadiennes, soit l'équivalent de 55% du PIB. De plus, elles nous font prendre conscience d'une nouvelle réalité dont il faut tenir compte: malgré les déficits zéro à venir, la dette brute du Québec augmentera de 14,8 milliards d'ici cinq ans, notamment en raison du financement de nos immobilisations.

Mettre nos problèmes sur le dos des normes comptables est une façon trop simple de nier les faits: le Québec a vécu au-dessus de ses moyens pendant des années et il faut maintenant payer les pots cassés.

On s'entend, le Québec n'est ni la Grèce ni l'Espagne, mais c'est justement parce que certains ont mis l'accent sur une gestion rigoureuse de nos finances publiques qu'on s'en tire honorablement.

Deuxième élément, les concepts de dette. Jacques Parizeau juge qu'un des concepts utilisés, la dette brute, nous défavorise. Or, peu importe le concept, le Québec est la plus endettée des provinces canadiennes, et de loin, et s'approche des niveaux d'endettement critiques de certains pays européens.

Une des meilleures façons d'illustrer l'impact de notre dette est de comparer nos paiements d'intérêt ou, autrement dit, notre service de la dette. Or, à cet égard, les constats ne sont pas réjouissants, selon le plus récent rapport du vérificateur général du Québec.

En 2012, le service de la dette accaparait 11,6% du budget du Québec, une proportion plus grande que celle de toutes les autres provinces canadiennes. En comparaison, cette proportion est de 9,2% en Ontario et de 8,5% au Nouveau-Brunswick.

Notre situation ne s'améliorera pas, au contraire, selon le vérificateur général. D'ici 2018, cette proportion augmentera de 1,1 point de pourcentage. En valeur absolue, nos paiements pour servir la dette passeront de 7,8 milliards en 2010 à 12,9 milliards en 2018, soit un bond de 5 milliards. Ces 5 milliards ne seront pas consacrés à la santé ou aux prestataires de l'aide sociale, mais aux intérêts sur la dette. Comment en minimiser l'importance?

Entre le début des années 60 et 1998, le Québec n'a pas engrangé un seul surplus budgétaire. Certes, il fallait investir dans les services publics, mais les Québécois paient encore aujourd'hui les excès des baby-boomers. Et ce n'est pas fini: au cours des prochaines années, le Québec fera face à deux énormes défis, soit les coûts croissants de la santé et les régimes de retraite.

Pour envisager de nouveaux projets coûteux, l'endettement n'est donc pas une option. Il faudra couper ailleurs et faire des choix ou prendre des moyens musclés pour augmenter notre croissance économique et notre productivité.