On s'entend, la Caisse de dépôt a offert un bon rendement en 2012, à 9,6%. L'institution peut toutefois dire un gros merci à de nouvelles règles comptables et à deux placements problématiques, ceux dans le papier commercial et dans Quebecor Media.

Ces trois surprises ont permis à la Caisse de bonifier ses résultats de 2,8 milliards de dollars, soit l'équivalent de 1,8 des 9,6% de rendement. Elles l'ont aidée à battre son indice de référence (9,3%) et à faire aussi bien que les autres caisses de retraite canadiennes, dont les rendements médians ont oscillé entre 8,7% et 9,9% en 2012.

Clarifions tout de suite une chose: les dirigeants de la Caisse n'ont pas magouillé. Simplement, ils ont bénéficié d'un contexte qu'il faut mettre en perspective et dont les éléments sont des surprises pour le commun des mortels.

Décortiquons. Primo, les règles comptables. En 2012, le portefeuille immobilier de la Caisse est passé à la nouvelle norme comptable IFRS, une exigence internationale. Avec les anciennes règles, la Caisse devait consolider dans ses résultats la valeur marchande de chacun des immeubles de sa filiale Ivanhoé Cambridge, essentiellement.

Avec la nouvelle norme IFRS, la Caisse doit plutôt inscrire la valeur de ses actions dans Ivanhoé Cambridge plutôt que la valeur des immeubles. Or, des évaluateurs indépendants accordent 637 millions de dollars de plus aux actions qu'aux immeubles proprement dits. La Caisse peut bénéficier de cet écart favorable seulement en 2012. Il équivaut à 0,4 point de pourcentage sur le rendement global de 9,6%.

Deuzio, le placement dans Québecor Media. La Caisse de dépôt a vendu une bonne partie de son placement au début d'octobre 2012, faisant passer sa participation de 45,3 à 24,6%. Ce faisant, elle a engrangé une plus-value de 460 millions.

Comment une plus-value? Ne disait-on pas que la Caisse n'avait jamais récupéré la valeur de son investissement depuis 2000? Que son soutien financier à la famille Péladeau pour l'achat de Vidéotron avait été ruineux?

Tout à fait, sauf qu'après un certain temps, la Caisse avait fortement dégonflé la valeur de son placement, comme le veulent les règles. Et que grâce à la transaction de 2012, sa valeur a bondi de 460 millions par rapport à 2011. Ce gain a permis à la Caisse d'ajouter 0,3 point de pourcentage à son rendement global, de 9,6%.

Tertio, le plus gros morceau, le papier commercial. Depuis 2006, la Caisse a dans ses livres une montagne de papiers commerciaux, ces produits maléfiques qui ont contribué à plomber les résultats de 2007 à 2009. Pour l'essentiel, la Caisse n'a pas radié ces produits, elle les a plutôt conservés dans l'espoir de récupérer une bonne partie de leur valeur, éventuellement.

Les papiers de la Caisse - il y en avait près de 13 milliards - ont été restructurés dans le cadre d'une entente extrêmement complexe avec d'autres institutions.

À l'époque, le marché et ses taux d'intérêt détraqués ne donnaient pas cher pour ce qui a été rebaptisé BTAA (billets à terme adossés à des actifs). La folie des marchés et la complexité du produit ont obligé la Caisse à dégonfler leur valeur de moitié, à inscrire une provision et à réduire son rendement global pendant trois ans.

Or, devinez quoi: le marché du crédit s'est replacé et la plupart des BTAA valent maintenant 80% de leur valeur d'origine plutôt que la moitié.

Pour l'année 2012, la Caisse a donc redressé les papiers honnis de 1,7 milliard, ce qui équivaut à 1,1 point de pourcentage de rendement (sur le 9,6%). Il s'agit de la plus forte hausse de valeur pour les BTAA, eux qui avaient été redressés de 500 millions par année en moyenne au cours des deux années précédentes.

Bref, cette année, surprise, le papier contribue très positivement aux résultats. Le chef des placements, Roland Lescure, fait néanmoins remarquer que «le papier fait partie du rendement, mais aussi du risque. Sans cet investissement risqué, on aurait placé l'argent ailleurs et obtenu des rendements».

De fait, le portefeuille de BTAA est encore le deuxième contributeur en importance au risque actif de la Caisse, après la participation de la Caisse dans l'aéroport Heathrow, à Londres, nous indique le chef des risques de la Caisse, Claude Bergeron. Le troisième plus grand contributeur au risque est l'investissement dans Suncor Energy.