Mettons que je fais du jogging dans le bois. Je me foule la cheville gauche, qui devient grosse comme un pamplemousse. J'ai très mal et je crains une fracture. Vite, aux urgences?

Pas si vite, justement. Au Québec, il faut 17 heures pour voir un médecin dans un hôpital, selon les chiffres officiels. Et encore, s'agit-il du temps d'attente des patients installés sur une civière.

Pendant ce temps, en Alberta, le temps d'attente est de moins de deux heures, en moyenne. En fait, au moment précis où j'écris ces lignes, il faut patienter 57 minutes aux urgences du Rockyview General Hospital, de Calgary.

Je n'invente rien, les temps d'attente en Alberta sont affichés en temps réel sur le site internet du gouvernement (www.albertahealthservices.ca/4770. asp). Le patient n'a qu'à se diriger vers les urgences les plus rapides des hôpitaux de la liste et le tour est joué. Fabuleux!

Bien sûr, au Québec, il est possible de se rendre dans une clinique sans rendez-vous plutôt qu'un hôpital, mais de plus en plus, ces cliniques ne prennent plus de patients dès 9 h le matin, parce qu'elles ont déjà fait le plein pour la journée.

Ces raisons expliquent pourquoi plusieurs ont été étonnés par les conclusions de l'étude de l'Institut Fraser, publiée mardi. L'organisme place le Québec au premier rang des provinces canadiennes pour le rendement de son système de santé compte tenu des coûts.

Pour chaque province, l'Institut Fraser a mesuré le volume de services médicaux par habitant, de même que la qualité des soins et le temps moyen d'attente pour accéder aux services. Les chercheurs, au premier chef Bacchus Barua, ont ensuite mis ces indicateurs en parallèle avec les dépenses gouvernementales de santé par habitant.

On ne parle pas d'une étude rédigée sur le coin d'une table: au total, les auteurs ont utilisé 46 indicateurs de rendement et consulté et 78 ouvrages de référence. L'étude fait 74 pages.

Les résultats sont surprenants, d'autant plus qu'ils viennent d'un organisme, Fraser, qui place souvent le Québec à la queue de ses classements depuis plusieurs années.

Selon l'organisme de Calgary, le Québec arrive premier pour la disponibilité des ressources de santé par habitant (personnel et équipement), deuxième pour le délai d'attente, deuxième pour la qualité des soins, quatrième pour le volume de traitement. En même temps, selon l'étude, le Québec est le système le moins coûteux, toute proportion gardée. On croirait rêver!

Terre-Neuve finit bonne dernière, suivie de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Saskatchewan. L'Ontario est deuxième après le Québec.

En fouillant, on constate toutefois que l'étude comporte une lacune importante: elle ne tient pas compte des urgences! Les temps d'attente dont il est question sont ceux qui ont cours pour consulter un médecin spécialiste, pour avoir un service d'imagerie diagnostique ou pour passer sous le bistouri, entre autres.

L'étude de l'Institut Fraser comporte donc une importante lacune en excluant, pour des raisons techniques, l'élément le plus en vue du système de santé: les urgences.

L'an dernier, ma collègue Sara Champagne a parcouru le Canada pour comparer les urgences. Son reportage percutant est paru les 17 et 18 novembre. Sa conclusion: «le Québec a beaucoup de croûtes à manger pour rejoindre l'Ontario et l'Alberta», me dit-elle.

Le temps d'attente affiché en temps réel, notamment, est révélateur du fossé qui sépare le Québec de l'Alberta.

Pour diminuer les temps d'attente, différentes recettes ont été utilisées ailleurs au Canada. Les infirmières, bien formées, peuvent prendre des décisions pour des cas mineurs, comme de probables entorses, justement. Par exemple, au triage, elles peuvent décider d'envoyer immédiatement le patient passer une radiographie, dont le résultat accélérera les choses.

En Ontario, les médecins spécialistes sont également mis à contribution et une partie de la rémunération du personnel est notamment fonction des résultats aux urgences. De tels bonis à la performance sont encore une hérésie au Québec. De plus, les membres du personnel de certains hôpitaux sont tous équipés d'un iPhone pour avoir un accès plus rapide aux données critiques.

En somme, en dépit des résultats de l'Institut Fraser, il y a beaucoup à faire au Québec pour améliorer le système de santé, notamment aux urgences.

Pour consulter l'étude: https://www.fraserinstitute.org/research-news/display.aspx? id=19 212