Question quiz: quelle province fait l'objet d'un vif débat entourant la construction d'un aréna de la LNH, une famille milliardaire et une subvention du gouvernement? Un indice: l'affaire a eu un impact considérable sur la récente campagne électorale.

Non, ce n'est pas le Québec, chers lecteurs, mais plutôt la prude Alberta. La semaine dernière, le directeur des élections de cette province a demandé à trois enquêteurs de faire la lumière sur les dons faits par le propriétaire des Oilers d'Edmonton, Daryl Katz, au Parti progressiste-conservateur. Les dons ont-ils été faits légalement?

L'enquête a été provoquée par les révélations-chocs du Globe&Mail, en octobre, selon lesquelles Katz aurait versé 430 000$ au parti d'Alison Redford alors que la limite légale est de 30 000$ en Alberta. La politicienne s'est fait réélire de justesse, au printemps 2012, quelques jours après la contribution.

Évidemment, les 430 000$ n'ont pas été inscrits au seul nom de M. Katz, puisque le don aurait été déclaré illégal. Ils ont plutôt été séparés entre une quinzaine de membres de la famille Katz et de partenaires de l'homme d'affaires. Le hic, selon The Globe&Mail, c'est que les 430 000$ auraient été versés avec un seul chèque, ce qui suggère que la famille et les partenaires auraient agi à titre de prête-noms.

Autre particularité: les fonds ont été versés dans les derniers jours de la campagne albertaine, le printemps dernier, alors que le parti conservateur battait de l'aile devant l'encore plus conservateur Wildrose Party.

L'intérêt de Daryl Katz? Le milliardaire veut construire un amphithéâtre de 450 millions de dollars pour son club de hockey, pour lequel il s'est fait promettre 100 millions du gouvernement de l'Alberta.

Pour les Québécois, l'affaire est intéressante sous deux aspects. D'abord, elle nous rappelle que le Québec n'a pas le monopole des relations incestueuses entre le monde des affaires et la politique.

Certes, rien n'a encore été prouvé concernant la contribution contestée de l'homme fort des Oilers. Mais cette affaire remet en question la manchette du Maclean's de l'automne 2010 affirmant que le Québec est «The Most Corrupt Province in Canada», dossier illustré par le Bonhomme Carnaval avec une valise de cash.

Soyons franc, depuis les révélations explosives de la commission Charbonneau, plusieurs détracteurs du magazine ont ravalé leurs critiques. Cependant, des enquêtes récentes du Toronto Star et de Radio-Canada démontrent que l'Ontario et l'Alberta ont aussi leur lot de problèmes avec le crime organisé.

Deuxième constatation: le Québec est sur une autre planète en matière de financement des partis politiques. En Alberta, tant les entreprises que les particuliers peuvent faire une contribution annuelle maximale de 30 000$. En Ontario, le maximum est de 9300$, 18 600$ si la contribution tombe durant une année électorale.

Pendant ce temps, le Québec a choisi de réduire le maximum permis de 1000$ à 100$; ni les entreprises ni les syndicats ne peuvent contribuer. Selon le ministre responsable, Bernard Drainville, ce changement mettra un terme à l'utilisation de prête-noms, puisqu'il ne sera plus possible de collecter de grosses sommes à coup de 100$ par prête-noms.

Certains craignent que la méthode Drainville n'encourage encore davantage le financement occulte, puisque les collectes de fonds légitimes deviendront trop peu rentables. Le système albertain, fait-on valoir, éloigne les enveloppes brunes, puisque les plafonds légaux rendent cette pratique inutile.

Cette vision des choses omet de tenir compte des effets pervers du système albertain, et plus encore de celui des États-Unis. En Alberta, les entreprises ont une influence déterminante sur le pouvoir politique. Aux dernières élections, les entreprises de ressources naturelles (pétrole, mine, etc.) ou de construction ont versé 475 000$ au Parti conservateur, soit environ 30% du total amassé par le parti.

En ajoutant les 430 000$ du groupe Katz, la part du total des fonds de ces trois groupes s'élève à environ 55%, selon une compilation de La Presse. Question: qui dans ce groupe a intérêt à freiner l'expansion du pétrole bitumineux ou de la construction?

Bernard Drainville a choisi de hausser le financement public en augmentant de 85 cents à 1,50$ par électeur l'allocation versée aux partis en fonction des résultats électoraux. La solution Drainville prévoit aussi un appui pour les nouveaux partis.

À défaut d'être parfaite, cette solution est plus démocratique que le modèle albertain, convenons-en.