Quand Pierre Karl Péladeau a annoncé, à la surprise générale, qu'il mettait immédiatement fin à sa carrière politique pour le bien de ses enfants, bien des gens ont salué son courage d'avoir fait le choix de la famille plutôt que celui de la politique.

La suite des choses nous a appris qu'il avait plutôt réagi de façon impulsive dans une chicane sur la garde partagée de ses enfants. Cela n'enlève rien à sa douleur, mais cela enlève à son départ son caractère d'exemplarité : il s'agissait moins d'une approche moderne de la conciliation travail-famille que des contrecoups d'un divorce difficile.

En fait, M. Péladeau a quitté le monde de la politique comme il y était entré, de façon brouillonne et impulsive.

De surcroît, nous avons somme toute eu droit à un autre épisode de la téléréalité politique que nous ont proposée M. Péladeau et sa femme, Julie Snyder. Après avoir été conviés à leur mariage outrageusement médiatisé, nous avons assisté, entre la dernière émission de Tout le monde en parle, dimanche soir, et la conférence de presse du chef péquiste lundi après-midi, aux péripéties de leur divorce en temps réel.

L'expérience montre qu'en général, lorsqu'un politicien invoque ses enfants pour quitter la politique, même avec la plus grande sincérité, c'est aussi parce que sa carrière politique ne va pas très bien. Depuis un an, le nouveau chef a révélé son absence de talent naturel pour la politique, ses faibles aptitudes de communicateur, la lenteur de sa courbe d'apprentissage. Il est vrai que, depuis quelques mois, il faisait des progrès comme chef de l'opposition à l'Assemblée nationale, mais pas assez pour augmenter les intentions de vote en faveur du PQ, malgré l'impopularité du gouvernement, ni pour faire progresser les appuis à la souveraineté.

La politique étant cruelle, les Québécois se sont à peine remis du choc de cette démission que le Parti québécois s'apprête déjà à se lancer dans une campagne au leadership. Mais avant de choisir un successeur à M. Péladeau, les membres du PQ auraient tout intérêt à procéder à un examen de conscience pour se demander par quelle aberration collective ils ont pu choisir un chef aussi peu vraisemblable, en raison de ses aptitudes politiques limitées, de son caractère instable, de son bilan de patron intransigeant et des énormes conflits d'intérêts que soulève la présence en politique d'un baron de la presse.

Les péquistes, Mme Marois le disait encore hier, ont cru avoir décroché le gros lot en accueillant en leur sein un représentant important de Québec inc., espérant que sa présence réduirait les peurs économiques suscitées par la souveraineté et réussirait peut-être à attirer d'autres gens d'affaires. Ça ne s'est pas passé. À cela se sont ajoutées les distorsions dont souffre un parti en perte de vitesse dont les membres restants appartiennent davantage aux courants les plus pressés et les plus intraitables sur l'option.

En somme, dans un mélange de pensée magique et de fuite en avant, on a confié la direction du parti à celui qui semblait être un sauveur et qui, de surcroît, était plus proche des purs et durs que ses principaux adversaires.

Une espèce d'aveuglement collectif qui a permis, encore une fois, aux péquistes de ne pas réfléchir sur la cause de leurs échecs successifs.

Cet aveuglement, on le retrouve encore dans l'idée de convergence, un concept en apparence novateur mais qui, fondamentalement, est une façon élégante de dire que le PQ n'est plus capable de gagner des élections, parce qu'il perd des plumes au profit de Québec solidaire, mais surtout parce que le projet indépendantiste perd des plumes.

La cause des échecs de Bernard Landry, d'André Boisclair, de Pauline Marois, et de celui qu'aurait sans doute subi Pierre Karl Péladeau, c'est que l'appui à la souveraineté tourne autour de 35 %. En gros, presque deux Québécois sur trois voteraient Non. Le débat dont le PQ ne peut pas faire l'économie, c'est de se demander pourquoi.  Et surtout, à mon avis, de se demander ce qu'on doit faire quand on sait que son option ne peut pas triompher dans un avenir prévisible.

Ce débat est peut-être possible. Le PQ peut compter sur une relève intéressante, qui n'est pas de la vieille école comme son chef démissionnaire. La course au leadership ne permettra probablement pas de trouver un chef capable de l'emporter aux prochaines élections, mais peut-être qu'elle redonnera vie au parti et le sortira de ses ornières.

À condition que les membres du Parti québécois apprennent de leurs erreurs et réussissent, pour la première fois depuis 15 ans, depuis le départ de Lucien Bouchard, à faire preuve de lucidité.