Un sondage Léger révélait la semaine dernière que si le Parti québécois et la Coalition avenir Québec joignaient leurs forces, cette coalition recueillerait 40 % des intentions de vote, soit autant que le Parti libéral, ce qui lui permettrait de former un gouvernement majoritaire grâce à sa plus grande pénétration dans l'électorat francophone.

Une autre hypothèse testée dans le sondage montrait qu'une coalition entre le PQ et Québec solidaire recueillerait 38 % des appuis. Elle ferait mieux que les libéraux et leurs 35 % et permettrait peut-être là aussi un gouvernement majoritaire.

Qu'est-ce que cet exercice de politique-fiction nous apprend ? Pas grand-chose. Il repose sur une évidence arithmétique :  si le PQ réussissait à absorber un autre parti politique, ses chances électorales seraient vraiment meilleures, parce que le passage du quadripartisme au tripartisme réduirait la division des voix qui assure aux libéraux un quasi-monopole sur le pouvoir.

Cette réflexion stratégique, qui relève davantage à mon avis de l'onanisme politique, n'a d'intérêt que dans une perspective bien précise : trouver des façons qui permettraient aux péquistes de vaincre les libéraux. C'est d'ailleurs pour deux quotidiens dont c'est le souhait, pour des raisons différentes, que le sondage a été réalisé, Le Devoir et Le Journal de Montréal.

L'utilité de l'exercice dépendra surtout de la faisabilité et de la plausibilité des coalitions dont on veut tester le potentiel.

Le succès théorique des coalitions testées par Léger repose en partie sur le fait que les libéraux traversent une mauvaise passe.

Le sondage reflète l'indignation provoquée par les arrestations de l'UPAQ, le mécontentement suscité par l'austérité et les maladresses de nombreux ministres libéraux. Selon ce coup de sonde, le PLQ recueille 33 % des voix, le PQ 30 %, la CAQ 22 % et Québec solidaire 10 %. Le PLQ a perdu trois points en un mois et ses deux principaux adversaires en ont gagné un.

Notons qu'un sondage CROP-La Presse, également la semaine dernière, arrivait à des résultats comparables : 32 % pour le PLQ, 30 % pour le PQ, 24 % pour la CAQ et 11 % pour QS, à cette différence près que la perte de quatre points que les libéraux ont essuyée en un mois profite à la CAQ, qui fait un bond de six points.

Si on regarde les chiffres de plus près, on découvre que l'idée d'une coalition PQ-CAQ ne plaît pas follement aux électeurs de ces deux partis. Séparément, selon le sondage Léger, ils recueillent 52 % des voix - 30 % pour le PQ et 22 % pour la CAQ. Mais réunis, ils n'en recueillent plus que 40 %, parce que le quart de leurs électeurs iraient ailleurs :  les libéraux voient leurs appuis augmenter de sept points, de 33 à 40 %, et Québec solidaire de cinq points, de 10 % à 15 %.

Et ça, c'est en réponse à une question théorique. Dans les faits, une coalition entre la CAQ et le PQ, en principe décrite comme un regroupement des forces nationalistes, est hautement improbable. Jamais François Legault ne se rallierait à un parti qui veut foncer tête baissée dans une bataille pour l'indépendance. La coalition ne serait possible que si Pierre Karl Péladeau abandonnait pour longtemps son projet souverainiste.

L'autre coalition, une alliance entre le PQ et QS, est moins saugrenue, elle fait même l'objet de discussions en certains cercles, et pourrait créer une entité dotée d'une certaine cohérence, un parti de centre gauche qui fait la promotion de la souveraineté. Mais un tel projet rencontrerait de sérieux obstacles internes, parce que ni Québec solidaire ni M. Péladeau ne sont de centre gauche : QS est un parti d'extrême gauche et le chef péquiste est un homme de droite. Il rencontrerait aussi un très solide obstacle externe, un plafond de verre, ou plutôt un plafond de plomb. Un parti souverainiste voulant faire rapidement la souveraineté sera limité par l'appui à cette option, qui tourne aux alentours de 35 %.

Ce qui est amusant dans tout ça, c'est personne ne teste l'autre coalition, de loin la plus plausible, la plus cohérente sur le plan politique, celle qui réunirait la CAQ et le PLQ.

Elle est impensable parce que les libéraux sont au pouvoir, qu'il y a de l'animosité entre les deux formations. Mais ces deux partis sont très proches sur le plan idéologique, occupent le même espace politique du centre droit, et s'échangent même les idées et le personnel-clé. Ces deux partis recueillent à eux deux 55 % des appuis, ce qui n'est pas rien.

La vérité, c'est qu'on peut pitonner sur sa calculette comme on veut pour trouver des scénarios gagnants pour le PQ, on en revient toujours à la même conclusion, le fait que son option est un boulet électoral.