Le gouvernement Couillard fait-il preuve de rigueur ? Ou impose-il plutôt de l'austérité ? C'est une querelle sémantique franchement ridicule quand on y pense un peu, mais dont les médias semblent raffoler.

Personnellement, je n'ai aucun problème avec le terme austérité. Il n'y a aucune définition économique officielle de ce qu'est l'austérité. On sait cependant que cela décrit quelque chose de sévère. Les mesures prises par le gouvernement libéral pour retrouver l'équilibre budgétaire ont des conséquences pénibles et palpables qui dépassent nettement les exigences d'une gestion rigoureuse et serrée. On pourrait donc parler d'austérité si les mots gardaient leur sens.

Je comprends toutefois parfaitement les réticences du ministre des Finances, Carlos Leitao, ou du président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, à vouloir l'utiliser, parce qu'ils sont les victimes de ce qu'on pourrait appeler une forme d'appropriation culturelle, un concept à la mode ces temps-ci.

Le mot austérité a pris une connotation négative ces dernières années parce qu'il a surtout été utilisé pour décrire les mesures de redressement extrêmement dures mises en oeuvre dans des pays en faillite, comme la Grèce, ou franchement dévastés par la crise, comme l'Espagne. Ces coupes ont été assez brutales pour compromettre la reprise économique dans ces pays, tant et si bien que des organismes comme le Fonds monétaire international, qui les imposaient, ont dû faire leur mea-culpa.

Ce qu'on fait ici, c'est appliquer le même terme à la situation du Québec - qui n'a rien à voir -, dans ce qui est un véritable abus de langage, en espérant sans doute que l'indignation suscitée par les vraies politiques d'austérité ailleurs nourrisse les mouvements d'opposition québécois.

L'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS) entre autres, qui est moins un organisme de recherche qu'un véhicule d'expression des positions de gauche, en a fait un combat. « L'austérité, disait cette semaine une de ses porte-parole dans La Presse, c'est le gouvernement, sous le couvert d'équilibrer le budget, qui fait des compressions sur le dos de la population et se lance dans une restructuration de l'État en se rapprochant du privé ». Un autre collaborateur de l'IRIS applique au cas québécois les thèses sur la révolution néolibérale de l'État. Vous voyez le genre.

Cette révolution néolibérale, on a bien du mal à la voir dans les chiffres, notamment ceux de la mise à jour budgétaire qu'a présentée jeudi le ministre Leitao. L'État n'est pas en train de fondre au Québec. C'est plutôt le contraire, quand on regarde la mesure habituelle de la taille de l'État, la proportion des dépenses publiques par rapport à la taille de l'économie. Les dépenses de programmes, sans le service de la dette, équivalent cette année à 23,3 % du PIB. En 2007-2008, la proportion était de 21,5 %. Ça ressemble pas mal à une hausse, pas à une baisse.

Ce qui est arrivé, c'est que le poids de l'État a augmenté de façon importante en 2009 au moment de la crise, à la fois parce que la pression sur les dépenses s'est accrue, mais aussi parce que le PIB a reculé. Le poids des dépenses publiques dans le PIB est alors passé de 21,5 à 23,4 %. Depuis, les gouvernements successifs ont essayé de ramener le niveau des dépenses à ce qu'il était avant la crise. Le ministre Leitao vise 22,2 % en 2019-2020, encore un peu au-dessus de la moyenne historique de 21,9 %. Autrement dit, avec les compressions que nous avons, on ne fait pas fondre l'État, on le ramène à un niveau qui, pendant des années et des années, nous paraissait normal.

Il est vrai que ces compressions ont fait plus mal que les gens se l'imaginaient. Certaines initiatives, comme en éducation, ont été très mal reçues. On a donc découvert que des compressions qui ne paraissent pas et qui ne touchent pas aux services, ça n'existe pas.

Il est vrai aussi que le gouvernement Couillard remet en cause plusieurs des façons de faire. Mais on est loin d'une destruction du modèle québécois.

Et même si on est en désaccord avec la façon dont le gouvernement libéral s'y est pris, il n'est pas mauvais, de temps à autre, de regarder l'autre côté de la médaille pour se demander ce qui arriverait si on avait laissé les dépenses aller, ce que ça donnerait pour le déficit, la dette et la santé financière dans les années à venir.

Cette mise à jour nous apprend que les efforts du gouvernement ont porté leurs fruits et qu'il n'y aura pas de déficit cette année. L'opération de rigueur ou d'austérité, parlons donc de « rigorité » ou d'« austérigueur », a donc fonctionné. Le gouvernement a réussi à contrôler ses dépenses, assez pour prévoir une croissance plus normale des dépenses, 2,3 % l'an prochain et 2,8 % l'année suivante, un rythme supérieur à l'inflation. Cela nous dit que le pire est derrière nous.