Le Partenariat transpacifique (PTP), s'il est adopté par les 12 pays signataires, créera la plus grosse zone de libre-échange au monde. Il était important pour le Canada, dont le succès économique repose largement sur ses exportations, d'adhérer à cette entente qui lui donne un bien meilleur accès à un énorme marché de 800 millions d'habitants représentant 40 % de l'économie mondiale. C'est tout aussi vrai pour le Québec, une petite économie ouverte sur le monde.

C'était quelque chose qu'on semblait avoir oublié depuis quelques mois. Le débat sur le PTP, dans le climat simpliste de la campagne électorale, se résumait à une seule question : son impact négatif sur les secteurs agricoles régis par la gestion de l'offre - lait, oeufs, volaille - , car plusieurs pays participant aux négociations exigeaient que le Canada ouvre son marché à ces produits. L'attention que l'on a portée à ce seul volet d'une entente d'une portée pourtant bien plus grande avait quelque chose de parfaitement surréaliste.

On l'a vu encore plus clairement hier quand on a pris connaissance des grandes lignes de l'entente signée à Atlanta pendant la nuit. Le Canada acceptait d'ouvrir 3,25 % de son marché des produits laitiers aux autres membres du PTP : 2,3 % pour les oeufs, 2,1 % pour les poulets, et 2,0 % pour les dindons. Honnêtement, est-ce que le fait d'avoir, dans le cas du lait, l'obligation d'ouvrir un maigre 3,25 % de son marché à la compétition, graduellement, avec des compensations de plusieurs milliards, constitue vraiment une catastrophe qui méritait qu'on en parle tant ?

Pour le Québec, qu'est-ce que cela représente ? Les producteurs de lait, s'ils ne s'adaptent pas, perdront 3,25 % de leur marché, 5 % si on ajoute les concessions faites dans l'entente avec l'Europe. Le secteur du lait représente 28 % de la production agricole. La production agricole, elle, représente 1,2 % du PIB. Bref, un impact qui équivaut à moins de deux centièmes d'un pour cent de l'économie. Pourquoi ce calcul ? Pour mettre les choses en perspectives.

Une négociation de libre-échange est un exercice de donnant-donnant. Elle favorise les secteurs qui peuvent exporter, et nuit aux secteurs qui risquent d'être affectés par les importations des autres pays. Il faut trouver un équilibre entre ces avantages et ces inconvénients.

Et jusqu'où peut-on compromettre le potentiel du porc, du sirop d'érable, du boeuf, des céréales, du bois, de la machinerie, de l'aéronautique et de bien d'autres industries pour éviter un petit inconvénient pour le lait ou les oeufs ? Ce serait inéquitable et irresponsable.

C'est pour cette raison que les gouvernements du Québec ou de l'Ontario ont réagi avec prudence, tout comme le chef libéral Justin Trudeau, qui a évité la partisanerie dans un dossier qui favorise le gouvernement conservateur.

Mais cela dépasse le PTP. La vérité, c'est que ce système de gestion de l'offre, dans sa forme actuelle, est foutu. Il ne pourra pas résister aux pressions extérieures et aux pressions intérieures qui le menacent d'implosion.

Pourquoi dire que le système est foutu ? Parce qu'il repose sur un modèle économique protectionniste d'il y a un demi-siècle et que les pressions pour une plus grande ouverture des marchés vont se poursuivre. Parce qu'il comporte un coût élevé pour les consommateurs frappés par des prix plus élevés et pour les agriculteurs condamnés à la stagnation. Cette stagnation est admirablement illustrée par un chiffre : sur des ventes de 4,7 milliards en 2013, le secteur laitier québécois n'a exporté que 90 millions !

Le devoir des politiciens responsables, ce n'est pas de faire semblant que le statu quo est viable, mais bien de se préparer maintenant à une issue inévitable, d'accompagner les agriculteurs, de gérer le changement au lieu de se le faire imposer. La meilleure façon d'aider les agriculteurs, c'est de travailler à une transition ordonnée et graduelle avant que l'on frappe un mur.

Voilà pourquoi il faut commencer à penser à de nouveaux modèles plutôt que de s'accrocher au statu quo. Il ne s'agit pas de sacrifier nos fermes sur l'autel du libre-échange. Nous devons au contraire aider et protéger notre agriculture, comme le font tous les pays. Nous en avons besoin, pour son apport économique, pour l'occupation du territoire, pour son importance identitaire, pour sa contribution à notre autonomie alimentaire. Notre vrai défi, c'est de trouver de nouvelles façons de la soutenir.

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Malgré ma formation d'économiste, j'ai parfois des lacunes en arithmétique. Samedi, dans ma chronique sur l'âge des politiciens, je me suis enfargé dans mes calculs de dates de naissance. Bill Clinton avait 46 ans et non pas 45 quand il est devenu président. George Bush avait 54 ans et Stephen Harper, 46 ans quand il est devenu premier ministre, et non pas 47. Mes excuses aux lecteurs et aux politiciens !