Avec-vous vu ça souvent, des gens ou des organismes qui apprennent que le gouvernement québécois va leur serrer la vis au nom de l'austérité et qui acceptent le sacrifice qu'on leur demande avec un grand sourire ?

Pourtant, c'est un peu ce qui est arrivé avec le nouveau pacte fiscal que le ministre Pierre Moreau a proposé au monde municipal. Cette « entente de partenariat », qui maintient la compression annuelle de 300 millions imposée aux villes l'an dernier, a été acceptée dans une proportion de 80 % par les membres de l'Union des municipalités. Qu'est-ce qui se passe ? Avait-on mis du gaz hilarant dans le système d'aération du Centre des congrès de Lévis, où se tenait leur assemblée générale extraordinaire ?

Non. Ce qui a fait passer la pilule des compressions, ce sont de nouvelles modalités qui permettraient aux villes d'imposer par décret les conditions de travail de leurs employés quand le processus de négociation d'une convention collective n'a pas permis d'en arriver à une entente.

Il s'agit d'une véritable révolution, qui donne aux villes plus d'autonomie et, surtout, une plus grande marge de manoeuvre.

Pourquoi ce changement ? Parce que les administrations publiques, peu importe lesquelles, avaient traditionnellement les mains liées dans les négociations avec leurs employés. Les grèves dans le secteur public sont désastreuses, les pressions de la population pour préserver la paix sociale sont fortes, les gouvernements, pendant longtemps, ne pouvaient pas plaider la pauvreté ou brandir le spectre d'une faillite ou d'une fermeture. Ils avaient donc tendance à céder, tant et si bien que les employés du secteur public ont pu jouir de conditions de travail significativement supérieures à celles des autres travailleurs. C'est en recourant aux décrets, ou à la menace de décrets, que les gouvernements ont réussi à freiner la hausse des rémunérations dans le secteur public.

Les villes n'ont jamais eu accès à ce genre d'outil législatif. Leur marge de manoeuvre était en outre restreinte parce que les grèves peuvent avoir des effets désastreux sur les services de proximité qu'elles dispensent. Le résultat est là. Les employés municipaux constituent le groupe le mieux payé au Québec. Leur rémunération globale, salaire et avantages sociaux, est de 38,6 % supérieure à celle des employés provinciaux, même si les villes sont plus pauvres que le gouvernement du Québec, même si les tâches de leurs employés sont moins exigeantes. Il y a là une anomalie évidente.

On dira que ces avantages sont le fruit de négociations de bonne foi. Ce n'est pas toujours le cas. Il y a, dans bien des villes, dont Montréal, une culture de pression et de chantage qui a mené aux gains syndicaux. Des gestes très graves comme celui des pompiers et des employés municipaux qui ont envahi l'hôtel de ville, il y un an, montrent que l'intimidation, la violence et l'absence de respect des institutions démocratiques font partie de l'arsenal de négociation. Et rappellent l'importance de prévoir des contrepoids.

La commission Robillard sur la révision des programmes, dans son premier rapport, mettait en lumière une autre anomalie, le fait qu'entre 2007 et 2012, la hausse annuelle moyenne des dépenses des villes, à 5,8 %, a été plus élevée que celle des dépenses de santé, 4,8 %. Essentiellement à cause d'une hausse de 6,5 % de leur masse salariale.

Ces pressions sont insoutenables pour les villes, tout en étant inéquitables pour les contribuables et les autres employés du secteur public. La commission Robillard proposait donc de réduire les transferts gouvernementaux aux municipalités. Le gouvernement Couillard s'est clairement inspiré de cette réflexion, mais a choisi une méthode plus douce en donnant aux villes les moyens de revenir à un certain équilibre.

Il est vrai qu'il faudra baliser ces nouveaux pouvoirs, s'assurer que les villes fassent preuve de bonne foi avant de recourir à des décrets. Mais n'oublions pas qu'il y a une autre balise dont il faut tenir compte. Il est absolument anormal que les employés municipaux touchent 38,6 % de plus que les employés québécois. C'est cela qu'il faut corriger.