En 2006, quand les conservateurs ont pris le pouvoir, le Canada se classait au sixième rang des 19 pays les plus développés de l'OCDE pour son niveau de vie. En 2014, il était rendu au neuvième rang. Un recul que l'on ne peut pas attribuer à la crise puisqu'elle a frappé tous ces pays.

Pour sa productivité, le Canada était déjà dans le peloton de queue en 2006, 15e sur 19. En 2014, il l'était toujours. Au lieu de combler son retard, il a glissé au 16e rang.

Évidemment, on ne peut pas résumer le bilan d'un gouvernement avec deux statistiques. Mais elles aident à répondre à la question que l'on doit se poser. Au-delà de ses efforts pour sortir le Canada de la crise, le gouvernement Harper a-t-il réussi à améliorer et à renforcer l'économie canadienne ? Est-ce que l'économie est plus dynamique, plus compétitive, plus prospère maintenant qu'elle l'était il y a neuf ans ?

La réponse semble bien être non. Depuis le début de la campagne, le premier ministre Stephen Harper vante son plan économique tandis que Justin Trudeau et Thomas Mulcair répètent qu'il n'a pas fonctionné. L'explication des statistiques que j'ai évoquées plus tôt est qu'en fait, il n'y a pas à proprement parler de plan économique conservateur.

Par conviction idéologique, Stephen Harper n'est pas un chaud partisan de l'intervention de l'État dans l'économie. Il n'est pas un adepte des stratégies et autres actions structurantes. Cette philosophie, il l'a encore résumée très clairement la semaine dernière : « On doit suivre un plan basé sur un budget équilibré, des taxes et des impôts plus bas et des investissements abordables. » On retrouvait le même message dans le titre du dernier budget conservateur : « Un budget équilibré et un plan axé sur des impôts bas pour favoriser l'emploi, la croissance et la sécurité ».

Cette stratégie du laisser-faire consiste essentiellement à dire que moins le gouvernement agit, mieux l'économie ira. Résultat, le plan conservateur n'est pas un plan économique, mais plutôt un plan fiscal de réduction des dépenses publiques et des impôts.

Cette absence de stratégie n'a pas trop paru, parce que l'économie canadienne a affiché une bonne tenue, une sortie de crise rapide et un taux de croissance dépassant celui des autres pays du G7. Ce succès était largement attribuable au boom des ressources. Il a d'ailleurs suffi que le prix du pétrole plonge pour que le Canada bascule en récession technique.

Cette performance un peu artificielle a créé une illusion de prospérité qui a masqué les problèmes de l'économie canadienne.

D'abord, elle n'a pas retrouvé sa vigueur d'avant la crise : un taux de croissance toujours sous son potentiel, des exportations insuffisantes, un taux de chômage plus élevé qu'avant la crise - 8,6 % contre 8,1 %. Mais surtout, un taux d'emploi significativement plus bas qu'en 2008, 61,3 % au lieu de 63,7 %. Cela signifie qu'il manque 707 000 emplois pour retrouver le niveau d'avant la crise.

L'effet dopant du succès pétrolier a également exacerbé des problèmes dont le gouvernement conservateur ne s'est pas suffisamment occupé, à commencer par les difficultés du Canada central, le Québec et l'Ontario, aggravées par le taux de change élevé provoqué par les succès pétroliers.

L'ébullition éphémère du monde pétrolier semble en plus avoir eu un effet dopant sur le premier ministre lui-même. C'est le seul domaine où M. Harper est intervenu de façon soutenue, pour appuyer l'industrie pétrolière, pour alléger les contraintes environnementales qui pourraient l'entraver et pour la défendre à l'étranger.

Pendant ce temps, le Canada a fait très peu de progrès dans la résolution des grands problèmes qui menacent son potentiel économique, sa faible compétitivité, sa trop basse productivité et ses retards en innovation. Le Canada n'est ni plus performant ni plus prospère qu'il y a neuf ans. Son économie semble même plus dépendante des ressources et donc plus vulnérable aux chocs extérieurs.

On aurait pu croire que le Canada, moins malmené par la crise que ses partenaires, aurait pu profiter de ce répit pour rattraper ses retards et combler ses lacunes. Il ne l'a pas fait.