On connaît bien l'un des grands échecs de notre système scolaire, soit le taux élevé de décrochage des jeunes du secondaire, surtout chez les garçons.

Mais notre incapacité collective à prendre correctement en charge les populations scolaires plus vulnérables a une autre conséquence, beaucoup plus grave et beaucoup plus insidieuse : le niveau de littératie des jeunes Québécois est l'un des plus bas du monde industrialisé.

La littératie, c'est la définition moderne de l'analphabétisme. Les vrais analphabètes, qui ne connaissent pas leurs lettres, ou qui sont absolument incapables de lire, sont heureusement rares. Mais un nombre important de gens ne maîtrisent pas assez la lecture et l'écriture pour fonctionner normalement. La littératie, selon la définition de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui a fait beaucoup d'études sur la question, c'est la capacité « de comprendre, d'évaluer, d'utiliser et de s'approprier des textes écrits pour participer à la société, réaliser ses objectifs et développer ses connaissances et son potentiel ».

On pourrait penser que les carences toucheraient surtout les plus vieux, ceux qui n'ont pas profité du développement de l'éducation. Ce n'est pas le cas : le faible niveau de littératie frappe presque autant les jeunes que les vieux, un phénomène particulièrement marqué au Québec.

Le Programme pour l'évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA) a réalisé en 2012 une vaste enquête dans 22 pays auprès de personnes de 16 à 65 ans, sur laquelle j'ai souvent écrit. Pour la littératie, le Canada se situe très légèrement au-dessus de la moyenne de l'OCDE, se classant 10e sur 22. Mais le Québec se retrouve au 19e rang, devant la Pologne, l'Irlande, l'Italie et l'Espagne.

Ces moyennes masquent une réalité plus troublante. D'abord, 19 % des Québécois ne disposent pas des connaissances de base en lecture et en écriture. Ensuite, un autre groupe important de la population de la province, soit 34 %, n'a pas les outils nécessaires pour vraiment s'épanouir. Cette proportion de citoyens ne manifestant pas une maîtrise souhaitable, 53 % au total, place le Québec en queue de peloton de l'OCDE.

Les résultats aux tests du PEICA des Québécois plus jeunes, les 16-24 ans, sont peut-être plus inquiétants encore.

Premièrement, la note moyenne des jeunes Québécois, 273, est légèrement supérieure à celle de l'ensemble de la population, qui obtient 269. Mais elle est inférieure à celle des 25-34 ans et des 35-44 ans, qui obtiennent respectivement 285 et 277. Les jeunes font toutefois mieux que les 45-54 ans (262) et les 55-64 ans (252). Dans l'ensemble de l'OCDE, le niveau de littératie des 16-24 ans est légèrement plus bas que celui des 25-34, mais pas que celui des 35-44 ans. En outre, l'écart entre les jeunes et la cohorte qui les précède n'est que de quatre points dans l'OCDE. Il est trois fois plus élevé au Québec. Pourquoi ?

Deuxièmement, avec leur note relativement faible, les jeunes Québécois se retrouvent au septième rang canadien, ne devançant que le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et la Saskatchewan, dont les résultats reflètent probablement la forte présence autochtone.

Troisièmement, à l'échelle internationale, si les jeunes Canadiens de 16-24 ans obtiennent la 16e note la plus basse au sein de l'OCDE, le Québec se retrouve au 18e rang, devant l'Irlande et l'Espagne.

Bref, le Canada traîne derrière le reste du monde, le Québec traîne derrière le Canada, et les jeunes Québécois traînent derrière leurs aînés.

Ces résultats nous disent qu'une proportion trop élevée de nos jeunes n'a pas la maîtrise de la lecture et de l'écriture nécessaire pour leur bien-être personnel et le mieux-être de la collectivité.

On sait que le Québec réussit bien aux tests scolaires internationaux. Ce que nous montrent ces autres données, c'est qu'une frange appréciable de la jeunesse ne participe pas à ce succès collectif et que notre système d'éducation, qui sert bien les enfants qui n'ont pas de difficultés d'apprentissage, échappe une partie de ses élèves.