Il est toujours téméraire de sauter aux conclusions à partir des résultats d'une élection complémentaire. Mais il n'en reste pas moins que les choix des électeurs, lundi, dans les circonscriptions de Chauveau et de Jean-Talon nous ont réservé quelques surprises.

S'il est très facile de désigner le grand gagnant, Philippe Couillard, qui remporte un siège et qui conserve l'autre, malgré la grogne envers son gouvernement, il n'est pas évident de savoir qui est vraiment le perdant. Au premier abord, on pourrait conclure que c'est François Legault, qui a vu les libéraux lui ravir le siège de Chauveau. Mais les choses ne sont pas si simples.

Rappelons rapidement les résultats. Dans Jean-Talon, une banlieue cossue de Québec, invariablement libérale, les libéraux n'ont pas été délogés. Mais ce qui est plus étonnant, c'est que leurs appuis sont restés presque intacts, passant de 44 %, en avril 2014, à 42 %, malgré les déboires du député sortant, l'ex-ministre Yves Bolduc. La CAQ a perdu quelques plumes, avec un pourcentage du vote qui est passé de 20 % à 14 %, tandis que le PQ passait de 22 % à 30 %.

Dans Chauveau, la circonscription laissée vacante par le caquiste Gérard Deltell, l'un des piliers du parti, la CAQ s'est effondrée, de 52 % à 34 %. Ce sont les libéraux qui ont profité de ces déboires. L'appui au PLQ est passé de 30 % à 41 %, ce qui lui a donné la victoire. Le gain du PQ est minime, de 12 à 15 %.

Ce qui ressort d'abord, c'est le doublé libéral et leur gain d'un siège. Un gouvernement impopulaire, dénoncé de toutes parts pour ses compressions, et qui score au-dessus de 40 %, même si les élections partielles étaient le lieu idéal pour exprimer son mécontentement ? Il y a là un message.

Il est clair par contre que le parti de François Legault a été malmené. Il voit ses appuis s'effondrer dans Chauveau, qu'il perd, et il recule de six points de pourcentage dans Jean-Talon. Mais le malheur n'est pas venu d'où on l'attendait. Ce ne sont pas les péquistes qui ont fait mal à la CAQ, mais les libéraux. Ça fait une différence.

La menace qui semblait peser sur la CAQ, c'était l'arrivée de Pierre Karl Péladeau à la tête du PQ, capable de séduire la clientèle caquiste, un électorat francophone plus conservateur, sensible aux questions identitaires, d'autant plus qu'elle était composée en partie d'anciens partisans du PQ.

Eh bien, ce n'est pas arrivé. L'effet PKP n'a pas vraiment eu lieu ou, à tout le moins, a vraiment été limité. Malgré la visibilité énorme dont jouit un nouveau chef au sortir d'une lutte au leadership, malgré l'insatisfaction à l'égard du gouvernement Couillard, malgré les efforts sur le terrain déployés par M. Péladeau et sa conjointe, Julie Snyder, les résultats ont été modestes. Un gain famélique de trois points dans Chauveau et une progression pas vraiment impressionnante, de huit points, dans Jean-Talon, aux dépens de la CAQ.

Les progrès du PQ sont trop modestes pour constituer une véritable menace pour la CAQ et remettre en cause l'existence de ce parti. Bien sûr, François Legault a de bonnes raisons d'être déçu et inquiet, mais pas d'être découragé.

Son parti garde sa pertinence. Il a un rôle essentiel à jouer. D'abord, en raison de l'influence considérable que la CAQ a exercée, sous sa direction, dans les débats financiers et économiques. Ce rôle ingrat, celui de produire des idées reprises par le gouvernement libéral, mérite d'être reconnu.

Ensuite, par son refus de la polarisation constitutionnelle, qui correspond au voeu de la majorité de la population. Le thème de la souveraineté n'a pas été au coeur des débats lors des élections partielles. Mais il viendra certainement hanter Pierre Karl Péladeau lorsque celui-ci voudra le mettre de l'avant, et peut-être redonner un élan à François Legault.