La méthode utilisée par le gouvernement Couillard pour réduire la croissance des dépenses en éducation pourrait être décrite comme la technique Ponce-Pilate. On commande des compressions d'en haut et on se lave les mains des effets qu'elles pourront avoir sur le plancher des vaches.

Cette approche, on commence à le voir, ne fonctionne pas. On découvre, jour après jour, que les exigences de l'austérité forcent les commissions scolaires à faire des choix qui, trop souvent, affecteront les clientèles les plus vulnérables.

La démarche du gouvernement libéral repose sur un postulat probablement faux, du moins en partie, voulant qu'il y ait assez de gras ou assez de lacunes de gestion pour qu'on puisse réduire les dépenses sans affecter les citoyens. Cela a mené, dans le dernier budget, à prévoir une croissance extrêmement faible des dépenses en éducation, 0,2%, bien en deçà de l'inflation, tout en promettant de ne pas toucher aux services. Il y a plusieurs problèmes avec cette démarche.

Le premier, c'est que le réseau de l'éducation ne roule pas sur l'or. Il ne faut pas oublier que les enseignants sur qui repose l'édifice sont mal payés pour l'importance de leur mission, que les locaux, malgré les investissements massifs, sont souvent inadéquats, et que le réseau ne dispose pas non plus de tous les moyens humains et matériels pour répondre aux besoins des enfants dont ils ont la charge.

Le second, ce sont les contraintes imposées par la structure même du réseau de l'éducation, avec ses trois niveaux - le ministère, les commissions scolaires et les écoles. Mais comme les commissions scolaires sont dysfonctionnelles, elles ne peuvent pas jouer adéquatement leur rôle de courroie de transmission.

La démocratie scolaire est un échec, la compétence et la qualité de gestion des commissions est très inégale. Et comme le ministre de l'Éducation, François Blais, a annoncé qu'il éliminerait les élections scolaires et qu'il retirerait aux commissions scolaires leur pouvoir de taxation - ce en quoi il a raison -, il empire la situation à court terme et pourra difficilement compter sur des partenaires proactifs dans ses efforts de redressement budgétaire. 

Le gouvernement a donc très peu de contrôle sur la façon dont les contraintes budgétaires qu'il impose se répercuteront de façon concrète sur le terrain.

Il provoque une réaction en chaîne tout en se déresponsabilisant de ses effets.

Le troisième problème, et non le moindre, c'est la distance énorme entre les décideurs, le ministère de l'Éducation ou le Conseil du trésor, et la réalité sur le terrain, les écoles, les enfants, les parents. La logique paramétrique, les meilleures pratiques, le « bench-marking » se heurtent à la lenteur des ajustements, aux problèmes particuliers, aux exceptions. Les milieux, les parents et les enfants ne rentrent pas toujours bien dans les petites boîtes.

Résultat, bien des commissions scolaires, parfois par calcul politique, parfois parce qu'elles n'ont pas le choix, parfois parce que le gouvernement l'impose, vont couper d'une façon qui affecte les clientèles les plus vulnérables, par exemple en augmentant le nombre d'enfants par classe ou encore en abolissant des postes de techniciens ou de professionnels. Et ça, dans un contexte où l'on sait que les clientèles exigeant plus de soutien sont en augmentation, avec l'immigration, la transformation des structures familiales ou la prévalence accrue de l'autisme ou des cas de déficit d'attention.

Notre système d'éducation est très performant pour les enfants qui n'ont pas de problèmes. Ses lacunes sont plutôt dans ses piètres succès pour les populations plus vulnérables, ce qui se mesure par le décrochage, le plus élevé au Canada, ou par la proportion de jeunes dont le niveau de littératie est insuffisant.

Et c'est là qu'on risque de couper. C'est injuste sur le plan individuel, pour ceux qui ont le plus besoin de soutien et contreproductif, sur le plan collectif, en risquant de compromettre les progrès du système d'éducation québécois là où il a des retards à combler.