Les dépenses des villes ont augmenté presque deux fois plus vite que celles du gouvernement du Québec, soit 4,18 % par année contre 2,4 % entre 2008 et 2013. Une hausse totale de 17,8 % sur cinq ans, pendant que l'inflation n'était que de 10,1 %.

En termes de finances publiques, on a donc un gros problème municipal. C'est ce que montre le Palmarès des municipalités, produit par le Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal. Comme le note Robert Gagné, le directeur du centre, il n'est pas normal que les dépenses pour le déneigement ou la collecte des ordures augmentent plus vite que les dépenses de santé.

Mais pourquoi ? Avant de sortir la tronçonneuse, il faut essayer de comprendre les causes de cette explosion. Le principal facteur de l'augmentation, ce sont les salaires. Même si la rémunération ne compte que pour 37 % des dépenses municipales, elle explique 48 % de la hausse des dépenses.

En outre, cette moyenne québécoise masque d'importants écarts. Dans les dix grandes villes de 100 000 habitants et plus, la rémunération, même si elle ne représente que 45 % des débours, explique 61 % des hausses de dépenses. À Montréal, c'est encore plus marqué : 79 % de la hausse des dépenses s'explique par la masse salariale.

Bref, l'explosion des dépenses municipales est d'abord une question de salaires et, surtout, d'avantages sociaux.

Si on se rappelle bien, cette question avait été évoquée par la Commission de révision permanente des programmes, dont M. Gagné est d'ailleurs membre. Dans son premier rapport, cette commission suggérait au gouvernement de réduire ses subventions aux municipalités parce que cet argent servait largement à nourrir la hausse des masses salariales municipales à des niveaux que le provincial n'est même pas capable de se payer. Si le diagnostic était juste, la solution était brutale. Car nous sommes moins en présence d'une carence de gestion que devant un problème systémique qui exige des solutions systémiques.

François Cardinal, dans sa chronique d'hier, insistait à juste titre sur l'effet dévastateur qu'ont eu les fusions et défusions pour les plus grandes villes. Rendu à une certaine taille, il n'y a plus d'économies d'échelle, mais plutôt le contraire. Les nouvelles structures municipales sont d'une complexité kafkaïenne. En plus, l'ajustement des salaires s'est fait vers le haut.

Cette pression salariale est encore plus forte pour les grandes villes, comme Montréal, qui ont la taille d'une province et les outils d'un village. Montréal ne peut pas imposer des conditions salariales à ses employés ou menacer de le faire, comme l'a fait plus d'une fois le gouvernement du Québec. Le gouvernement Couillard a découvert cet automne, avec son projet de loi sur les retraites municipales, la rigidité de la culture syndicale municipale, dont le symbole reste le grabuge à l'hôtel de ville de Montréal.

Sans ces outils, les villes ont vu la rémunération exploser. Le résultat est là. Selon l'Institut de la statistique du Québec, la rémunération des employés municipaux est de 37 % supérieure à celle des employés provinciaux, 13 % de plus que pour les employés fédéraux et 27 % de plus qu'à ceux du privé. Bref, le problème financier des villes est en grande partie un problème de masse salariale dont le gouvernement du Québec est largement responsable, parce qu'il a laissé les villes à elles-mêmes.

D'autres facteurs, autres que la mauvaise gestion, peuvent expliquer l'augmentation des dépenses, comme le désengagement direct ou indirect de certaines activités par le Québec, qui force les municipalités à prendre le relais.

Cela explique également le niveau de dépenses plus élevé dans les grandes villes qui doivent assumer des responsabilités plus complexes, à commencer par la sécurité, et qui subissent d'importantes pressions pour intervenir davantage dans des domaines où leur rôle était traditionnellement plus discret : environnement, culture ou développement économique. Et sans doute, depuis quelques années, les dépenses administratives liées à la gouvernance !