Au moment même où Bernard Drainville déclarait forfait et ralliait le camp de Pierre Karl Péladeau tant l'avance du candidat favori à la course à la direction du Parti québécois lui paraissait insurmontable, un sondage CROP de La Presse révélait que ce même Pierre Karl Péladeau était nettement en baisse dans les intentions de vote des Québécois.

En février dernier, le PQ, avec M. Péladeau à sa tête, devançait clairement le PLQ, 37% contre 33%. En avril, le PLQ n'a pas bougé, toujours à 33%, mais les appuis à un PQ dirigé par M. Péladeau ont fondu à 30%.

Le paradoxe n'est qu'apparent. Il illustre bien le fait que la course à la direction d'une formation politique se déroule en vase clos, entre militants de ce parti. Les parois de la bulle sont toutefois plus épaisses dans le cas du Parti québécois. Tant et si bien que ce qui fait le succès de M. Péladeau dans le débat au sein de son propre parti est justement ce qui lui nuit auprès de l'ensemble de la population.

Les péquistes, après leurs difficultés des dernières années, se cherchent un sauveur. Bien des militants ont décelé ces attributs chez M. Péladeau dès son arrivée intempestive dans la campagne électorale de Pauline Marois, en raison de sa feuille de route impressionnante, de son appartenance au milieu des affaires, perçue comme un atout, de sa notoriété à travers les médias qu'il possède et à travers sa conjointe Julie Snyder, ce qui en fait le seul politicien vraiment «people» que le Québec ait connu.

Dans la recherche un peu désespérée d'un candidat du «last call», capable de mener le Québec à l'indépendance avant qu'il ne soit trop tard, Pierre Karl Péladeau s'est rapidement imposé. Ce potentiel salvateur a coloré la course à la direction, qui s'est transformée en couronnement, avec des débats assez timides, parce que les militants n'aimaient pas que l'on égratigne trop celui qui pourrait être le porteur victorieux du projet.

Et c'est ainsi que dans cette formation qui se décrit comme un parti d'idées, on ne connaît pas trop celles de celui qui le dirigera. Sauf pour une chose. Selon CROP, les Québécois, qu'ils soient souverainistes ou non, croient qu'il est plus ferme que ses adversaires sur l'indépendance, et la moitié d'entre eux s'attendent à ce qu'il déclenche un référendum dans un premier mandat. C'est ce qui plait aux péquistes à la recherche d'un sauveur, mais aussi ce qui repousse les autres Québécois, bien plus nombreux.

Et voilà pourquoi c'est après sa victoire que M. Péladeau rencontrera ses véritables défis. Son premier, auquel la course l'a mal préparé, ce sera, comme chef de l'opposition, d'affronter de véritables adversaires qui ne l'épargneront pas.

Son second défi, ce sera de rallier au projet souverainiste une majorité de Québécois, ce qu'aucun de ses prédécesseurs n'a réussi. L'appui à la souveraineté, curieusement à 41% dans ce dernier sondage, se situe en général autour de 35%. La tâche sera d'autant plus difficile que ce futur chef du PQ n'a pas de talents d'orateur, que sa vision très classique de l'option n'annonce pas un renouvellement du discours, et qu'il lui sera très difficile de réunir la diaspora souverainiste, souvent plus à gauche, qui a déserté le PQ.

Son troisième défi sera de gérer la transformation idéologique qu'il imposera à son parti. On connaît encore mal les idées de M. Péladeau, mais on en sait assez, à travers ses propres interventions, notamment contre les syndicats, à travers les campagnes du quotidien auquel il a imprimé sa vision, par exemple sur les assistés sociaux ou les accommodements raisonnables, à travers la bataille de sa conjointe, à l'origine des Jeannettes, pour voir en M. Péladeau un homme de droite. Il lui faudra de spectaculaires contorsions pour concilier ses idées et celles du parti qu'il dirigera dans quelques semaines.