Depuis des mois, les médecins, tant spécialistes que généralistes, dénonçaient avec vigueur le projet de loi 20 (PL20) qui leur impose des quotas de patients. Dénoncer, c'est bien beau. Mais on se demandait ce qu'ils pourraient proposer pour résoudre le problème réel du manque de médecins de famille, s'ils voulaient éviter cette loi.

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec est arrivée jeudi dernier en commission parlementaire avec un train de propositions intéressantes pour augmenter l'accès à un médecin de famille. Est-ce un progrès? Très certainement. Est-ce assez? Probablement pas.

Les solutions de la FMOQ reposent, en gros, sur la généralisation des meilleures pratiques, comme ce qu'on appelle l'accès adapté - une nouvelle façon de gérer les rendez-vous pour donner une réponse rapide à ceux qui en ont besoin et l'abandon de la visite annuelle automatique - des super cliniques avec plateaux techniques, la collaboration interprofessionnelle, notamment avec les infirmières, l'informatisation.

L'organisme syndical s'attaque aussi à un gros morceau, les activités médicales particulières, dont il souhaite la disparition. Les AMP sont un mécanisme unique au Québec qui consiste à imposer aux médecins 12 heures de tâches spécifiques par semaine durant leurs 15 premières années de pratique et 6 heures les cinq années suivantes, surtout dans les urgences, les hôpitaux et les CHSLD. Ce système, mis en place pour régler le problème des urgences, a eu un effet dévastateur sur la médecine de première ligne. C'est une des causes, sinon la principale, pour expliquer pourquoi trop peu de Québécois ont accès à un médecin de famille.

Pendant une bonne partie de leur carrière, les médecins ne peuvent pas se consacrer entièrement à la médecine familiale et prendre autant de patients qu'ils le pourraient. En outre, ces AMP éloignent les jeunes omnipraticiens de la médecine en cabinet et d'une pratique qui repose sur la prise en charge et le suivi. La FMOQ a raison de s'attaquer à ce mécanisme, quoique cela ne peut pas se faire rapidement sans créer encore une fois des problèmes ailleurs.

La FMOQ, dans son mémoire, après avoir noté que le nombre de patients qui ont trouvé un médecin de famille a augmenté rapidement depuis deux ans, fait preuve d'une volonté d'être «proactive», promet une campagne de «sensibilisation massive» auprès de ses membres. Bravo. Mais on ne peut pas s'empêcher de voir dans ce louable empressement les résultats de la menace du PL20. La méthode brutale du ministre Gaétan Barrette semble avoir porté fruit.

Certains éléments de la stratégie proposée par les omnipraticiens restent toutefois insatisfaisants. D'abord le souhait qu'au lieu des pénalités, on offre plutôt des bonifications aux médecins qui atteindraient un seuil désiré. Pitié! On a déjà joué dans ce film-là. Et les médecins sont maintenant assez payés pour ne pas ajouter de cadeaux.

Par ailleurs, la FMOQ est silencieuse sur un des éléments importants du dossier, la culture du temps partiel chez certains de ses membres, qui soulève la question du respect d'un certain contrat moral implicite exigeant la participation adéquate des médecins au système de santé. Ce silence suggère que cela peut difficilement se régler autrement que par des mécanismes coercitifs.

Par contre, le PL20, malgré son apparente simplicité, serait une monstruosité bureaucratique aux effets pervers imprévisibles, avec les mécanismes de pondération des types de patients, la difficulté de tenir compte des profils de pratique, l'injustice des pénalités pour les médecins dont les clients iraient ailleurs, les distorsions provoquées par les stratégies pour augmenter les inscriptions de patients. Ce serait un véritable bordel qu'il faudrait éviter.

Entre le statu quo et le chaos, il y a certainement, quelque part, un juste milieu. La FMOQ propose un objectif, raisonnable, de donner accès à un médecin de famille à 80% des Québécois d'ici 2017. Pourquoi ne pas les prendre au mot, en se gardant en réserve une épée de Damoclès?