21,7 kilomètres séparent l'hôtel de ville de Shawinigan, sur l'avenue de l'Hôtel-de-Ville, de celui d'Hérouxville, sur le rang Saint-François. Et c'est à Shawinigan que s'est déroulé le dernier incident opposant des Québécois de souche et des musulmans. Pensez-vous que ce soit un hasard si cette région bien précise soit encore une fois l'épicentre d'un incident islamo-québécois?

Les conseillers municipaux de Shawinigan se sont opposés à la dernière minute à une modification de zonage qui aurait permis au Centre culturel musulman de Shawinigan d'installer une mosquée dans un des parcs industriels de la ville. Le dossier avait suivi le cheminement administratif sans problèmes, avec l'aval du maire, Michel Angers, jusqu'à ce que les conseillers municipaux réagissent, pas pour des raisons de zonage, mais devant les pressions des citoyens apeurés par cette menace islamique. Le maire a dû se ranger.

Et pourtant, il n'y avait pas d'imams louches, pas de repaires d'intégristes, mais le désir de la vingtaine de familles musulmanes de la ville, dont les leaders sont connus, d'avoir un lieu de prière près de chez elles pour ne pas devoir aller à Trois-Rivières tous les vendredis.

Voilà donc l'illustration parfaite de l'amalgame primaire, où tout ce qui est musulman devient condamnable. Les gens ont peur, dira-t-on. Mais l'ignorance n'est pas une vertu. Notons que ce mouvement d'islamophobie a été chaudement applaudi par l'auteur du minable code de vie d'Hérouxville.

Les partis d'opposition se sont empressés de dénoncer l'inaction du gouvernement et de réclamer des balises. Le chef de la CAQ, François Legault a dit comprendre le maire, impuissant sans ces fameuses balises. Sa députée Nathalie Roy est allée plus loin et a même applaudi: «L'administration municipale est l'administration qui est la plus près des citoyens et elle a bien fait d'écouter la population». Une phrase d'une étonnante sottise, qui revient à justifier n'importe quel mouvement populaire d'intolérance.

Pourtant, aucune des solutions proposées par ces deux partis ne serait de la moindre utilité. M. Legault voudrait interdire les propos qui dénient les valeurs québécoises. Rien de tel dans ce dossier. Bernard Drainville, avec sa charte, réclame «des règles claires en matière de laïcité, d'accommodements raisonnables». C'est un dossier où le concept de laïcité de l'État ne s'applique pas et où personne ne demande d'accommodements.

Je crois toutefois que le silence du gouvernement Couillard dans ce dossier pose problème, quoique pour des raisons diamétralement opposées. Même si le gouvernement a raison de dire que la priorité doit être la sécurité et que la précipitation n'est pas souhaitable, cela ne justifie pas d'ériger l'inaction en principe.

M. Couillard, catatonique comme à l'habitude dans ce dossier, a fait des références à la SQ. Mais le cas de Shawinigan ne semble absolument pas poser de problèmes de sécurité, à moins qu'on veuille envoyer la police à chaque fois que des musulmans veulent organiser un barbecue. La ministre Kathleen Weil a dit, de son côté: «Il y a des lois qui nous encadrent et tous les élus sont équipés avec ces lois-là.»

C'est un cas où on n'a pas besoin de nouvelles balises, car les balises existent déjà, et c'est la Charte des droits. Mais qu'est-ce qu'on fait quand les élus ne semblent pas connaître les lois? Quand ils ne semblent pas comprendre que la liberté religieuse est un droit très protégé par nos chartes, même si elles étaient modifiées par le PQ ou la CAQ?

Il me semble que c'est le devoir du gouvernement d'exercer son leadership et d'intervenir énergiquement pour défendre ce qu'on appelle les valeurs québécoises - en fait des grandes valeurs universelles - qui, dans ce cas précis, ne sont pas menacées par l'intégrisme religieux, mais par l'intolérance de souche.