Le candidat favori dans la course au leadership du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau, a qualifié de «potinage» les comptes rendus qui faisaient état de son échange verbal avec la chanteuse d'un groupe à qui il demandait de chanter en français.

Je crois au contraire que les interventions d'un homme public dans un lieu public peuvent être d'intérêt public. Et que dans ce cas précis, cet incident, aussi mineur soit-il, permet de mieux connaître et de mieux comprendre celui qui dirigera peut-être un jour le Québec.

La course à la direction du PQ, avec ses allures de plébiscite, permet au favori qu'est M. Péladeau de surfer vers la victoire en révélant le moins possible ses projets et ses convictions. Nous en sommes réduits à devoir construire un portrait-robot du politicien à partir de ses déclarations et des bribes d'information dont on dispose.

L'échange avec la chanteuse du groupe Groenland, ce week-end, à Rouyn-Noranda, est une autre pièce du puzzle qui permet de mieux cerner la façon dont s'exprime le nationalisme chez Pierre Karl Péladeau. Un nationalisme exalté, un peu revanchard, qu'on ne retrouve pas chez ceux qui l'on précédé à la tête du Parti québécois.

En lançant à quelques reprises «en français!» au moment où la chanteuse s'adressait à l'auditoire, M. Péladeau a d'abord montré qu'il pouvait être grossier: ce n'est pas tout le monde qui interpelle une chanteuse au moment où elle présente une chanson. Mais surtout, ceux qui défendent la langue française ne nient pas, en général, le droit des artistes de choisir de chanter en anglais. On se demande si M. Péladeau aurait aussi interrompu un spectacle de Céline Dion...

C'est peut-être cette approche plus carrée de la défense de la langue française qui explique pourquoi M. Péladeau a rendu un hommage si vibrant à Gilles Rhéaume, il y a quelques semaines - et donc avant sa mort - au moment où l'on célébrait ses 50 ans de militantisme.

Les leaders souverainistes ont eu tendance à se tenir loin de M. Rhéaume, un militant excessif. Mais aucune retenue chez M. Péladeau: «M. Rhéaume, vous donnez un sens à l'engagement envers la cause souverainiste, notre cause de vouloir faire du Québec un pays. C'est grâce à votre engagement indéfectible des 50 dernières années qu'ensemble, nous allons réussir.»

Il y avait d'ailleurs des accents «rhéaumiens» dans la façon dont M. Péladeau a qualifié l'anniversaire du rapatriement de la Constitution de «funeste jour» qu'il a proposé de commémorer chaque année par «la mise en berne de notre fleurdelysé», un geste que l'on pourrait qualifier de nationalisme pompier.

On sent par ailleurs dans plusieurs sorties de M. Péladeau une pointe d'anglophobie. Elle était frappante dans un texte de son blogue que j'ai déjà cité: «C'est à se demander si nous ne sommes pas à nous retrouver à cette triste époque du XIXe siècle où les intérêts anglo-saxons, rois et maîtres en notre pays, nous procuraient, pour notre bien-être, salaires de misère avant que la bienfaitrice action du mouvement syndical nous ait permis de nous émanciper d'un tel joug. Merci pour vos offrandes, mais cette nation vaut beaucoup plus que vos pinottes.»

On peut en voir un autre exemple dans la façon dont il a envoyé une flèche à Charles Sirois, cofondateur de la CAQ, en le décrivant comme «le président du conseil de la Canadian Imperial Bank of Commerce», en utilisant lourdement la raison sociale anglaise de l'entreprise.

Ce qui me frappe, c'est que ce sont toutes là des expressions d'un nationalisme des années 60, maintenant un nationalisme de vieux, qui fera peut-être recette au sein du PQ, mais qui pourra difficilement aider à résoudre le problème qui hante le parti: son incapacité à rejoindre les jeunes Québécois.