Dans son discours à la nation, hier soir, le président Obama a proposé une réforme fiscale majeure qui repose sur un alourdissement du fardeau des mieux nantis et sur un vaste processus de redistribution des revenus.

Un jour plus tôt, Oxfam, l'organisme international de lutte contre la pauvreté, rendait public un rapport-choc sur les inégalités dans le monde, à la veille du sommet de Davos. Dans ce qui est une première, la présidente d'Oxfam co-présidera ce sommet qui réunit les riches et les puissants de la planète.

Est-ce que cela signifie que le monde est en train de changer? Ces deux événements indiquent en effet que l'on assiste à un retour du pendule, que la crise a fini par forcer une réflexion sur les limites et les dérives de notre modèle économique. La lutte aux inégalités sociales semble en voie de devenir une grande priorité, parce que c'est un enjeu moral, mais aussi parce qu'on découvre à quel point elles constituent un frein au développement.

Il faut cependant être conscients que ce virage repose aussi sur des effets de mode. Oxfam à Davos, c'est un peu comme Bono pour l'environnement. Au-delà des bons sentiments, la lutte aux inégalités, un enjeu mondial, rencontrera des obstacles qui ne sont pas sans rappeler ceux que connaît la lutte aux changements climatiques.

Le rapport d'Oxfam est moins un document d'analyse qu'un moyen de frapper les esprits, avec des images fortes, comme dire que les 1% les plus riches de la planète détiennent autant de richesse que 48% de la population mondiale. Il porte aussi davantage sur les inégalités extrêmes dans les pays pauvres et sur les déséquilibres entre le Nord et le Sud.

Cela ne signifie pas pour autant que les pays avancés sont à l'abri. Des ouvrages, comme celui de Thomas Piketty, ont abondamment documenté le problème, tout comme des études du Fonds monétaire international ou de l'OCDE. La mondialisation, la baisse des impôts pour les plus riches, le déplacement de la richesse vers le secteur financier et la désindustrialisation ont provoqué un déséquilibre qui menace la capacité des sociétés avancées de progresser harmonieusement.

Dans le cas des États-Unis, le cas extrême, la part des revenus des 1% les plus riches a plus que doublé pour passer de 8,2 à 19,3% de tous les revenus entre 2001 et 2012. Cette concentration de la richesse a été telle que les Américains moyens ont vu leur revenu disponible stagner et qu'ils sont maintenant rattrapés par les Canadiens et bientôt les Scandinaves.

La concentration de la richesse est toutefois moins marquée au Canada, où la part des revenus détenus par le 1% est de 12%. Elle n'est que de 10% au Québec, qui n'est pas un modèle en la matière, mais qui est plus proche des pays européens qui servent de référence.

Comment combat-on ces déséquilibres? Par des efforts internationaux pour encadrer le secteur financier, par exemple avec une taxe sur les transactions financières, ce qui ne peut toutefois fonctionner que si tout le monde participe.

Au niveau des pays, par de meilleurs mécanismes de redistribution. Mais encore là, tout dépend des situations. Le régime fiscal québécois, par exemple, est certainement perfectible, mais il est déjà le plus progressif du continent et plus progressif que celui de tous les pays du G7.

Il ne faut pas oublier non plus que la redistribution des revenus, aussi souhaitable soit-elle, est par définition une solution statique, une forme de déplacement de la richesse. Les plus grands progrès sur la voie de la justice sociale sont atteints lorsqu'on réussit à enrichir une société d'une façon qui profite à tout le monde, à travers la création d'emploi et la qualité des salaires.