Quand un gouvernement n'aime pas la teneur d'un rapport qu'on lui soumet, il l'accueille habituellement selon un rituel bien codifié : on a quelques bons mots pour les auteurs, on répond aux recommandations par des engagements vagues et on espère que le tout sera oublié rapidement. Selon une expression consacrée, on le met sur une tablette.

Ce n'est pas le sort qui a été réservé au premier rapport de la Commission de révision permanente des programmes, la commission Robillard. Le document, rendu public dans la torpeur dominicale, ne s'empoussièrera pas sur une tablette ; il a été passé à la déchiqueteuse. Les recommandations de la Commission, dans les trois principaux dossiers sur lesquels elle s'est penchée, ont été rejetées de façon assez brutale.

Que s'est-il passé entre le moment où la création de cette commission a été annoncée en grande pompe et cette mise à mort ? On accuse le gouvernement Couillard de l'avoir créée pour des raisons cosmétiques, pour que sa politique d'austérité paraisse modérée en comparaison des solutions plus radicales de la Commission. Je crois plutôt que le gouvernement, cédant à la pensée magique, croyait naïvement que cette commission découvrirait des économies pas trop douloureuses.

En réalité, on a tellement gratté les fonds de tiroir depuis des années qu'il n'y a plus d'économies faciles. On n'a pas non plus besoin d'une commission pour suggérer des mesures mécaniques, comme le gel des effectifs annoncés par le président du Conseil du trésor ou des commandes arbitraires de compressions aux ministères et organismes.

L'utilité d'une telle commission, c'est de pouvoir explorer d'autres pistes, sortir de la zone de confort, penser en dehors de la boîte. C'est ce qu'a fait son premier rapport, intéressant moins pour le libellé de ses recommandations que pour les pistes d'action qu'il suggère.

Dans le cas des services de garde, ce rapport a complètement inversé l'approche pour regarder le coût réel pour les parents plutôt que le tarif affiché. Cela menait à une solution en apparence radicale, des tarifs uniformes de 35 $ pour tous, et donc non modulés, mais assortis d'une pleine utilisation des crédits fédéraux pour réduire la note. C'était original, bien pensé, et mieux pour à peu près tout le monde que la formule dont le gouvernement a accouché. Québec a choisi une autre voie, celle de la modulation, avant même le dépôt du rapport Robillard.

Le gouvernement Couillard a aussi rejeté au départ une autre idée de la Commission : la réduction des transferts aux municipalités. Ce qu'il fallait retenir, c'était l'analyse qui sous-tend la recommandation. Les transferts de Québec aux municipalités augmentent de façon presque explosive, 8,2 % par an entre 2007 et 2012, beaucoup plus vite que les autres dépenses publiques. Et à quoi servent ces transferts ? D'abord à financer une masse salariale, elle aussi explosive, avec des augmentations annuelles de 6,5 %. On voit le paradoxe. Le gouvernement provincial, qui se serre la ceinture, finances des villes où les salaires, déjà de 38,6 % plus élevés, augmentent beaucoup plus vite. La piste que suggère la commission Robillard, c'est de regarder de beaucoup plus près les rémunérations municipales.

En agriculture, la Commission ne fait que reprendre le bâton de pèlerin de deux autres rapports qui se sont penchés sur l'agriculture pour proposer des réformes dont on attend encore la pleine mise en oeuvre. Comme prévu, parce que les ministres de l'Agriculture, pour des raisons électorales évidentes, sont des « pom pom girls » de l'UPA, Québec a dit non et continuera à défendre un système d'aide dysfonctionnel et coûteux pour les citoyens.

Pour rester dans les allégories agricoles, disons qu'au Québec, lorsqu'on quitte les sentiers battus, on se retrouve au milieu d'un troupeau des vaches sacrées et on n'est plus capable d'avancer.