La modulation des frais pour la garde d'enfants était la première vraie bataille que le gouvernement Couillard devait mener dans le cadre de son plan d'austérité. Il l'a perdue, car il en est sorti moins populaire, affaibli, et donc en moins bonne position pour amorcer les autres batailles qui l'attendent, d'autant plus que ses maladresses ont contribué à cimenter l'opposition qu'il devra affronter.

Dans ce dossier, le gouvernement Couillard a commis sept erreurs, sur lesquelles il faut revenir pour qu'il ne les commette pas à nouveau.

La première, c'est la promesse électorale malheureuse de Philippe Couillard d'abolir la hausse des frais de garderie de 7$ à 9$ annoncée dans le dernier budget Marceau, et de la remplacer par une simple indexation. La mesure péquiste, raisonnable, avait été bien reçue et se justifiait par l'état précaire des finances. En choisissant d'augmenter les tarifs, les libéraux ont renié un engagement électoral formel.

La deuxième erreur, c'est la fuite révélant les intentions libérales - modulation des frais de garde et hausses importantes pour les hauts revenus. Le gouvernement n'était pas responsable de cette fuite, mais il l'a très mal gérée. Paralysé, il a perdu le contrôle d'un débat qui, nourri par les rumeurs, est allé dans tous les sens.

La troisième, c'est l'insensibilité aux mouvements sociaux, comme si on n'avait rien retenu de la crise des frais de scolarité. La bataille contre la modulation s'est rapidement articulée autour de la défense du grand principe de l'universalité, un symbole qui a rallié tous ceux qui attendaient une cause pour se mobiliser contre l'austérité. Le gouvernement aurait dû intervenir lui aussi sur le plan des symboles, pour mieux cerner le principe de l'universalité et démontrer en quoi sa formule était plus solidaire. En laissant l'opposition occuper le terrain, il a perdu la bataille morale qu'il aurait pu remporter.

La quatrième, c'est de n'être pas intervenu sur l'autre enjeu soulevé par la mesure, soit le risque que les hausses poussent des mères à quitter le marché du travail. Ce risque affecte un nombre très limité de familles: biparentales, à revenu élevé, avec plusieurs enfants en garderie et un salaire de la mère beaucoup plus bas que celui du père. Il fallait néanmoins pouvoir quantifier ce risque. Mais la ministre de la Famille, Francine Charbonneau, a avoué ne pas y avoir pensé, ce qui en dit long sur l'impréparation du gouvernement! D'autant plus qu'il y a une façon simple de limiter au maximum ces effets négatifs: il suffit de n'imposer les hausses que pour le premier enfant.

La cinquième erreur, c'est d'avoir rendu la politique publique après un caucus libéral. On envoyait un triple message: division au sein du caucus, rafistolages de dernière minute, et le fait que les pressions politiques peuvent faire reculer le gouvernement.

La sixième, de la même eau, c'est la déclaration de la ministre disant qu'il ne s'agit que d'une «proposition», ce qui affaiblit encore plus la démarche gouvernementale.

La septième erreur, beaucoup plus sérieuse, c'est le traitement réservé aux propositions de la Commission permanente de révision des programmes. Le gouvernement n'a même pas attendu le rapport de cette commission pour rendre publique sa propre politique sur les garderies et il a rejeté ses recommandations dès leur dépôt. Et pourtant, la formule de la commission est nettement préférable. Elle propose une hausse du tarif à 35$ pour tous, en apparence salée. Mais les crédits québécois et surtout, la possibilité de pleinement profiter des crédits fédéraux réduisent tellement la facture qu'un grand nombre de familles paieraient moins que maintenant et que la quasi-totalité des familles paieraient moins qu'avec la formule du gouvernement! Pourquoi avoir rejeté cette solution?