Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, le BAPE, a amorcé, depuis le début septembre, ce qu'il appelle la phase de questionnement et d'information de son enquête sur l'uranium, qui ne porte pas sur un projet précis, mais sur la filière dans son ensemble.

Il n'y a pas de mines d'uranium au Québec, mais plusieurs projets à divers stades d'avancement, qui révèlent un important potentiel pour ce minerai dont la demande mondiale est en forte augmentation. Les travaux de tous ces projets sont stoppés depuis que le gouvernement du Québec a décrété un moratoire au printemps 2013.

C'est une excellente idée d'avoir demandé au BAPE de se pencher sur ce secteur, pour faire le point sur l'état des connaissances et pour définir des règles du jeu. L'uranium n'est pas du canola. Ce minerai, légèrement radioactif aux concentrations où on le retrouve au Québec, utilisé essentiellement pour les centrales nucléaires, soulève les craintes associées à l'atome et la radioactivité.

Mais on en sait pas mal sur l'uranium au Canada, parce que la Saskatchewan en produit beaucoup - assez pour que le Canada soit le deuxième producteur mondial - sans qu'elle n'ait connu de problèmes, la production étant très encadrée par le système réglementaire canadien. L'exploitation comporte des risques, mais ils peuvent être contrôlés. C'est d'ailleurs ce qu'explique le document rendu public par le BAPE comme point de départ à la consultation.

Une étude très fouillée de 374 pages de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), publiée en juin, disait essentiellement la même chose. Cette revue détaillée des connaissances sur la question ne permet pas de déceler d'histoires d'horreur comme des cancers. L'étude de l'INSPQ insiste beaucoup sur les risques sociaux, essentiellement ceux que l'on associe au développement minier, et aux risques psychosociaux; le refus des Autochtones, les craintes des citoyens. Dans ce portrait très nuancé, l'organisme met en relief l'importance de faire d'autres études, souligne l'importance de mettre en place des balises et propose des pistes pour gérer l'acceptabilité sociale. Ça, c'est la science.

Mais ce n'est pas la science qui domine dans ce débat. La croisade contre l'exploration de l'uranium sur la Côte-Nord a commencé par un mouvement de médecins, sans compétences particulières en la matière, manifestement motivés par leur opposition au nucléaire sur la planète. Ceux-ci ont menacé de quitter la région si le développement se poursuivait, provoquant ainsi une panique chez les élus locaux.

En août, la santé publique de la Côte-Nord, qui avait initialement publié une étude favorable à l'uranium, sur la foi de l'expérience de la Saskatchewan, a produit un autre rapport. Ce dernier reprend les données sobres de l'INSPQ, mais leur donne une petite couleur alarmiste pour conclure au «bien-fondé des appréhensions que la population de Sept-Îles et ses leaders avaient manifestées au début de l'exploration uranifère dans la région». Les auteurs décrivent eux-mêmes ce rapport comme une «démarche de participation citoyenne qui a permis d'obtenir une vision communautaire.»

Bref, les médecins locaux sont contre et jouent sur les peurs des citoyens en abusant de leur crédibilité de «docteurs». La santé publique locale dit que les gens ont raison d'avoir peur, ce qui permet au Devoir de parler d'«alerte rouge». Et les groupes militants prennent le relais.

On assiste donc à une dynamique parfaitement circulaire. Le principal obstacle au développement de l'uranium, ce ne sont pas les risques pour la santé, minimes, mais la peur de l'uranium, l'acceptabilité sociale. Que fait le monde de la santé? Il nourrit les peurs de citoyens qui ont sans doute en tête des images de carottes fluo et de grenouilles à six pattes. On crée ainsi artificiellement une spirale qui nous éloigne du débat adulte dont nous avons besoin.