On appelle douche écossaise une douche où l'on alterne l'eau chaude et l'eau froide. C'est ce qu'ont vécu les Écossais. Le mouvement indépendantiste, marginal il y a quelques années, dont la victoire semblait impossible au début de la campagne référendaire, a été temporairement majoritaire dans les sondages, dix jours avant le scrutin, pour voir ses appuis tomber à 45% au moment du vote.

Pour les Écossais eux-mêmes, une fois qu'ils auront pansé les plaies d'un débat qui les a divisés, tout n'est pas perdu. Le mouvement indépendantiste s'en sort avec une défaite honorable, d'autant plus qu'il a arraché au premier ministre britannique David Cameron un engagement formel et crédible de donner plus de pouvoirs à l'Écosse.

Par contre, pour les souverainistes québécois qui comptaient naïvement sur l'Écosse pour redonner un élan à leur option, c'est certainement une douche glacée. La défaite écossaise ne donnera certainement pas aux Québécois le goût d'entendre parler de souveraineté. Cet échec montre plutôt à quel point il est difficile pour des indépendantistes d'arracher une victoire dans une société prospère et non opprimée, même quand ils sont assis sur des puits de pétrole.

Toutefois, à beaucoup plus long terme, le référendum écossais a peut-être fait progresser l'idée de la souveraineté de petites nations prospères. Le Québec n'est plus seul. Le projet écossais d'indépendance, malgré sa défaite, a acquis ses lettres de noblesse. Le processus référendaire écossais, très civilisé, crée un cadre qui profitera à d'autres, comme la Catalogne, et a sans doute contribué à familiariser la communauté internationale avec ce genre de questions.

Cela entrouvre timidement la porte au seul scénario qui, selon moi, pourrait éventuellement donner une toute petite chance à l'indépendance du Québec.

Contrairement à ce dont on m'accuse souvent, je n'ai jamais prédit la mort du mouvement souverainiste. Un courant comme celui là ne meurt pas. Même en débandade, comme maintenant, il obtient toujours l'appui du tiers des électeurs, ce qui n'est pas rien. Ce que j'ai souvent écrit, notamment dans un livre publié il y a six ans, À mes amis souverainistes, c'est plutôt que ce mouvement est incapable de remporter un référendum et le sera de moins en moins dans un avenir prévisible. Cette thèse se confirme depuis.

Dans ce livre, je n'excluais toutefois pas la possibilité que ce projet connaisse une autre vie. La seule possibilité que je voyais, c'était un contexte international, favorisé par la mondialisation et la décentralisation européenne, qui facilite la création de nouveau pays et la dédramatise, qui crée un climat de plus grande acceptabilité, réduisant ainsi les craintes des Québécois et l'hostilité à l'idée des autres Canadiens.

Mais cette hypothèse, qui est vraiment un «long shot», comporte un corolaire, assez bien illustré par la dynamique écossaise. Ça ne peut pas arriver avec le projet indépendantiste proposé actuellement aux Québécois. Ce mouvement souverainiste, incarné par le PQ, est né dans un climat précis: une affirmation nationale difficile à l'époque, une colère contre l'injustice. Les traces de ces origines sont toujours présentes: une pointe d'anglophobie, un ressentiment envers le Canada, des sursauts ethnocentriques bien illustrés par la Charte des valeurs, auxquels s'ajoute l'aigreur des défaites répétées.

Le mouvement souverainiste est toujours dans ce même cycle, incarné par Jacques Parizeau ou Bernard Landry ou perpétué par la relève - Jean-François Lisée, Bernard Drainville ou Pierre Karl Péladeau, avec son poing levé d'un autre âge. Pour espérer une victoire un jour, il faudrait un tout autre projet indépendantiste, reposant sur des bases radicalement différentes, capable de rejoindre d'autres gens, notamment chez les jeunes et les immigrants. Cela prendra beaucoup plus qu'un recyclage, mais la reconnaissance du fait que le cycle amorcé il y a 50 ans est terminé.