Le dépôt par le gouvernement Couillard d'une nouvelle mouture d'un projet de loi pour assainir les régimes de retraite des municipalités a été perçu par le monde syndical comme un hold-up, comme une véritable déclaration de guerre à laquelle ils ont l'intention de réagir.

À leur place, je serais extrêmement prudent. Déjà, bien des observateurs craignent que cet enjeu mène à un affrontement où le monde syndical testera la capacité du nouveau gouvernement d'imposer ses réformes. Mais le dossier des régimes de retraite municipaux est d'une tout autre nature.

Le déficit actuariel des régimes de retraite municipaux, 3,9 milliards, exerce une pression importante sur les finances municipales. Il faut résorber ce déséquilibre. L'enjeu porte beaucoup sur la façon de partager la facture entre les villes et les syndicats. C'est une évidence que la contribution des villes sera en fait celle de leurs contribuables qui devront payer plus de taxes.

Les Québécois acceptent assez bien de payer plus d'impôt pour obtenir des services ou pour défendre des valeurs, comme celle de la redistribution. Mais dans le cas des retraites municipales, on leur demandera de payer plus pour assurer à d'autres des privilèges auxquels ils n'auront jamais droit. Appelons cela un problème d'équité horizontale.

On peut le voir clairement avec les données du rapport du Comité d'experts sur l'avenir du système de retraite québécois, présidé par Alban D'Amours, qui a été déposé il y a un an.

En 2013, le Québec comptait 3 954 000 travailleurs. De ce nombre, 866 000 employés du secteur public, toutes administrations confondues, étaient couverts par des régimes à prestation déterminée, c'est-à-dire que le montant de la rente qu'ils recevront à la retraite sera garanti pour toujours. Pour les travailleurs, ce sont les meilleurs régimes.

Dans le secteur privé, 513 000 employés ont aussi droit à ces régimes à prestation déterminée, mais en général, ils seront moins généreux que ceux du public, pour l'indexation, les retraites anticipées ou le niveau de contribution des employés.

D'autres employés du privé sont couverts par des régimes à cotisations déterminées, moins désirables pour les employés, où le montant de la retraite n'est pas garanti. Ils couvrent 156 000 personnes. Dans le privé, 550 000 autres personnes ont accès à d'autres formes de protection, en général moins généreuses, par exemple des REER collectifs.

Et enfin, 1 861 000 n'ont aucune forme de régime de protection pour la retraite, soit 47% du total, presque la moitié.

Ces données permettent de poser le problème autrement. Si on impose un fardeau trop lourd aux Villes pour l'assainissement des régimes de retraite, on demande en fait aux 47% de Québécois qui n'ont pas du tout de protection et aux 31% dont le régime est moins généreux que ceux du public de payer de leur poche pour qu'une minorité puisse jouir d'une retraite significativement plus confortable que la leur.

On pourrait répondre à cela par un autre argument d'équité. Il est inéquitable de revenir sur des ententes négociées de bonne foi. Ce n'est pas tout à fait le cas, car il y a une anomalie dans notre régime de relations de travail.

Les municipalités, contrairement au gouvernement provincial, ne peuvent pas imposer des conditions de travail à leurs employés. Mais elles sont également impuissantes devant leurs moyens de pression. Résultat, les employés municipaux sont les mieux rémunérés au Québec, 37,9% de plus que le secteur public québécois, 12,6% de plus que le secteur privé syndiqué. Il y a là un déséquilibre évident que le resserrement des conditions de retraite corrigera en partie.

À cause de ces problèmes réels d'équité horizontale, si le monde syndical ne fait pas attention, l'affrontement qu'il prépare sur les retraites municipales ne fera pas contre le gouvernement libéral, mais contre la population.