Pendant que tous les yeux sont braqués sur le Parti québécois et sa crise existentielle, on oublie un autre phénomène très significatif révélé par les élections générales, la reconfiguration majeure du paysage politique québécois.

Le Parti libéral du Québec a recueilli 41,52 % des voix lundi. De son côté, la Coalition avenir Québec en a obtenu 23,05 %. À elles deux, ces formations politiques ont obtenu 64,57 % des suffrages, soit pratiquement les deux tiers des voix.

Ces deux partis sont assez proches l'un de l'autre pour qu'on ait évoqué, avant les élections, quand la CAQ semblait sans avenir, toutes sortes de scénarios de rapprochement. Malgré leurs différences de programme, de culture et de style, malgré leurs accrochages durant la campagne, le PLQ et la CAQ s'inscrivent dans un même courant que l'on pourrait qualifier, faute de mieux, de centre-droite.

Les résultats de lundi nous disent donc que les deux tiers des Québécois se situent dans un même espace politique. C'est là que se retrouve ce que l'on devrait appeler le consensus québécois, le « mainstream » politique québécois. Cela est riche de conséquences pour la suite des choses.

- Dans un premier temps, les libéraux et les caquistes, malgré leurs origines différentes, partagent un refus de la souveraineté et auraient fait partie du camp du « non » dans un référendum.

- Les deux partis font clairement de l'économie une priorité, contrairement au gouvernement Marois qui l'a fait sur le tard, et ils proposent tous deux une approche libérale, dans le sens économique du terme, où le succès repose sur l'entreprise privée plutôt que sur le soutien de l'État. Les deux partis, soucieux de se doter d'une équipe économique forte, éviteront, contrairement à ce qu'a fait le PQ, de faire des choix qui peuvent compromettre le développement. Ils miseront aussi sur les ressources naturelles.

- Le PLQ, et encore davantage la CAQ, sont préoccupés par l'équilibre budgétaire, plus que le gouvernement Marois, qui n'a pas réussi à respecter ses objectifs financiers, et plus portés à entamer des réformes en profondeur de la gestion de l'État.

- Ni le PQ ni la CAQ ne veulent recourir à des hausses d'impôt, contrairement au PQ, qui a taxé les riches à son arrivée au pouvoir. Les deux parties visent une réduction du fardeau fiscal.

- Ni les libéraux ni les caquistes ne peuvent revendiquer l'étiquette verte, comme le gouvernement péquiste, qui avait intégré deux environnementalistes dans son conseil des ministres.

- Ils n'ont pas non plus d'atomes crochus avec le monde syndical et les mouvements militants, tandis que le PQ a flirté avec les casseroles et les carrés rouges.

Ces similitudes donnent au nouveau gouvernement libéral une légitimité accrue, parce que même s'il n'a obtenu que 41 % des voix, il peut raisonnablement prétendre, dans de très nombreux dossiers, refléter les désirs d'une proportion beaucoup plus importante de la population.

Elles permettent aussi à François Legault de jouer un rôle différent à l'Assemblée nationale, celui d'une opposition constructive, moins théâtrale mais aussi moins paralysante, plus à même de faire avancer le Québec. Et parce que la CAQ était sur une lancée en fin de campagne, et que le PQ est en crise existentielle, François Legault a tous les atouts pour devenir, de facto, le véritable chef de l'opposition officielle.

Et si le Parti québécois choisissait la ligne dure, celle la défense claire de son option, et celle donc de la marginalisation, la CAQ peut devenir une alternative aux libéraux et jeter les bases d'un nouveau cycle de bipartisme dont le PQ serait exclu.

Évidemment, il s'agit pour l'instant de spéculations. Mais en attendant, dans le temps présent, il ne faudra pas oublier que c'est cet espace politique défini par les appuis aux libéraux et aux caquistes qui représente le vrai Québec.