Pauline Marois a déclenché les élections générales pour former un gouvernement majoritaire. Ça, c'est clair. Ce qui l'est moins, c'est de savoir quel genre de gouvernement majoritaire elle formerait. Le Parti québécois (PQ), sous sa direction, a fait tellement de pirouettes et de virages depuis deux ans qu'il devient difficile de suivre le fil.

Cette question se pose avec encore plus d'acuité avec la grosse nouvelle de la journée d'hier, l'arrivée dans l'équipe péquiste de Pierre Karl Péladeau, qui sera candidat-vedette dans Saint-Jérôme. C'est évidemment un très bon coup pour Mme Marois, qui réussit à attirer dans son équipe un dirigeant d'entreprise de prestige.

Mais même s'il est souverainiste, on arrive mal à voir comment M. Péladeau pourra s'intégrer à un parti proche du monde syndical et des mouvements progressistes, lui qui a montré qu'il était très à droite dans sa conception du développement, très dur dans ses rapports avec les syndicats.

Je sais, qu'en politique, les gens oublient vite. Mais on peut croire que la mémoire collective québécoise est capable de gérer un espace temporel de 18 mois. Il y a à peine un an et demi, quand elle a pris le pouvoir, Mme Marois, obsédée par Québec solidaire, avait fait son lit à gauche, appuyait les étudiants, promettait une fiscalité punitive pour les entrepreneurs, dénonçait les sociétés minières et les grandes entreprises.

Depuis, on a assisté, au fil des mois, à des virages qui ressemblent parfois à des 180 degrés. Abandon des mesures fiscales frappant les dividendes et les gains de capital, adoucissement extrême de la révision promise de la fiscalité minière, mais aussi une série d'initiatives comme l'exploration pétrolière ou l'entente avec les alumineries. Le choix de M. Péladeau comme candidat, et évidemment comme ministre si le PQ l'emporte, semble vouloir renforcer ce mouvement.

Mais ce qu'on ne sait pas, c'est quelles sont les motivations profondes derrière ces virages et quelle est leur sincérité. Est-ce que le PQ a changé parce que, minoritaire, il y a été forcé par les partis d'opposition? Est-ce que l'exercice du pouvoir lui a ouvert les yeux sur «les vraies affaires» ? Est-ce que les luttes intestines ont donné plus de poids aux courants plus modérés en son sein? Est-ce par calcul, pour séduire un électorat caquiste plus conservateur et plus préoccupé par les questions économiques? Et derrière tout ça, qu'est-ce que Mme Marois pense vraiment, à quoi croit-elle vraiment? Que fera-t-elle si elle reprend le pouvoir, surtout si elle devient majoritaire?

On peut se poser ces questions, parce que ce virage économique est plein d'ambivalences. Il n'y a pas longtemps, celui qui est maintenant responsable du Commerce extérieur, Jean-François Lisée, pourfendait allègrement les riches, les «1%», qu'il accompagne maintenant dans des missions à l'étranger. Et j'ai bien senti le mépris à peine voilé avec lequel Mme Marois qualifiait de «banquiers» les candidats économiques des libéraux.

Mais l'hypothèse de la rupture est renforcée par l'autre grand virage imprimé à son parti par Mme Marois sur les thèmes identitaires, avec la Charte des valeurs. Le simple fait que les trois anciens premiers ministres péquistes s'y opposent, Jacques Parizeau, Bernard Landry et Lucien Bouchard, montre à quel point la première ministre s'est écartée des valeurs et des traditions de sa formation politique.

Derrière son vernis laïciste et antisexiste, la Charte cherche clairement à gagner un électorat que l'ADQ avait séduit sur le thème de la crainte de l'autre. Il s'agit d'une démarche que, partout en Occident, on associe aux courants de droite.