François Legault a donné hier le véritable coup d'envoi de sa propre campagne en présentant son cadre financier, dans lequel il s'engage à éliminer le déficit dès cette année et même à commencer à baisser les impôts. En soi, on ne peut qu'applaudir cette initiative. Tous les partis, au nom de la transparence, devraient mettre rapidement cartes sur table.

Mais cet exercice n'est pas que financier. Il décrit aussi les intentions d'un parti, ses priorités et ses valeurs. Le document présenté hier est révélateur. En deux pages d'explications et trois pages de tableaux, il décrit admirablement ce qu'est la CAQ, avec ses qualités et ses défauts. Un autoportrait qui peut se résumer en sept mots.

Comptable. François Legault, comptable de formation, privilégie les démarches chiffrées, avec des colonnes et des projections. Il est fidèle à lui-même. En 2005, quand il était encore au PQ, il avait publié un «budget de l'an 1» d'un Québec souverain.

Studieux. Il y a quelque chose d'appliqué à la CAQ. Son critique financier, Christian Dubé, a travaillé, fait ses devoirs, proposé une approche sérieuse.

Transparent. La CAQ nous dit précisément ce qu'elle entend faire pour réduire le déficit, ce qui peut mettre sur la défensive le PQ, très vague sur sa façon de rétablir l'équilibre budgétaire.

Cohérent. La CAQ a de la suite dans les idées. Très préoccupé par l'endettement, François Legault avait dit qu'il voterait contre le budget Marceau s'il n'éliminait pas le déficit dès cette année. En promettant un retour rapide à l'équilibre budgétaire, la CAQ peut marquer des points contre le PQ qui n'a pas tenu promesse, et le PLQ, qui devra se commettre.

Idéologique. Derrière cet engagement, il y a une grille, que l'on peut associer à la droite. On veut dégraisser l'État pour baisser les impôts. Les mesures proposées ne font pas qu'éliminer le déficit, elles devraient permettre aussi l'abolition graduelle de la taxe santé, à terme 767 millions, et l'élimination de la taxe scolaire, un autre 1,5 milliard.

Populiste. Il y a une touche de populisme dans cette démarche où on promet aussi d'éliminer la hausse des frais de garde annoncée dans le budget Marceau pour revenir à l'indexation et où, surtout, on promet aussi de réduire la hausse des tarifs d'Hydro-Québec. Une mesure plus à gauche, où l'on traite, à tort selon moi, la facture d'Hydro comme une taxe plutôt que comme un prix.

Naïf. Il y a un défaut dans ce plan. L'approche comptable, impeccable sur papier, serait confrontée à la réalité si la CAQ prenait le pouvoir. Les cibles proposées sont intéressantes, mais on peut se demander s'il est possible de récupérer des fonds très rapidement, dès cette année, et d'y arriver sans provoquer le chaos.

Peut-on aller chercher 450 millions dans les subventions aux entreprises sans renier des ententes et sans affecter l'investissement? Peut-on récupérer 200 millions des fruits de la corruption immédiatement en court-circuitant les démarches légales? Peut-on économiser immédiatement 250 millions dans les achats autrement que par un gel mécanique? Peut-on économiser 300 millions dans les dépenses informatiques, certes un fouillis, sans renier des contrats et sans paralyser le développement?

Et surtout, le gros morceau, le gel du nombre d'employés de l'État, qui permettrait d'aller chercher 2 milliards, implique d'énormes mouvements d'effectifs des postes administratifs vers les emplois associés aux services directs. Il faudra aussi répondre au ministre des Finances, Nicolas Marceau, qui affirme qu'il n'y a pas de hausse des effectifs et donc pas d'économies à réaliser avec un gel.

Bref, le débat ne fait que commencer. La CAQ, en campagne, devra défendre son cadre financier. Mais en choisissant ce terrain, elle force aussi ses adversaires à mettre cartes sur table.