La ministre québécoise des Ressources naturelles, Martine Ouellet, n'est pas tout à fait une ministre des ressources naturelles. Militante environnementaliste, elle ressemble souvent à une ministre de l'environnement qui s'est trompée de bureau. Cela a mené, dans plusieurs cas, à une confusion des rôles.

Quand Mme Ouellet a créé, l'été dernier, une commission d'enquête sur les enjeux énergétiques, le mandat qu'elle lui a donné et le document de consultation qu'elle a produit reflétaient cette confusion. On s'orientait vers une réflexion environnementale visant d'abord la réduction des gaz à effet de serre (GES), plutôt que vers une politique énergétique qui comporte aussi des volets de développement économique.

Au terme de cette démarche circulaire, on n'est donc pas étonné de découvrir que le rapport, intitulé Maîtriser notre avenir énergétique, rendu public lundi en catastrophe après avoir fait l'objet d'une fuite, propose surtout une stratégie de réduction des GES. Dans l'atteinte de cette grande priorité pour le Québec, la réduction de notre dépendance aux hydrocarbures, le rapport propose des objectifs ambitieux et de nombreuses recommandations sur le transport, le bâtiment, les usages industriels et l'aménagement du territoire.

Le rapport comporte aussi de nombreuses recommandations économiques qui ont fait les manchettes. Les commissaires, très tièdes sur la filière pétrolière, proposent aussi d'arrêter de produire plus d'électricité, et donc de mettre fin au projet de la Romaine, de ne pas continuer à développer la filière éolienne, et de cesser de consentir des économies à long terme aux industries grandes consommatrices d'électricité.

Cela a été accueilli très froidement par le gouvernement Marois, enthousiaste vis-à-vis l'exploration à l'île d'Anticosti, résolu à soutenir les éoliennes et les grands travaux hydroélectriques, et qui vient en outre de conclure une entente avec Alcoa sur le prix de l'électricité. Le vent a changé. Le flirt écolo du gouvernement a cédé la place à un virage économique, tant et si bien que le rapport de la commission tombe dans un trou noir et se trouve désavoué avant d'être lu.

Autre manifestation de la circularité de l'exercice, le rapport repose beaucoup sur les audiences que la commission a tenues, où s'est manifesté le déséquilibre des points de vue que l'on peut constater dans les débats énergétiques - la domination du discours environnementaliste et le silence des milieux économiques qui n'ont d'ailleurs pas été bien accueillis aux audiences. Le rapport, par exemple, ne cite qu'un géologue sur le potentiel pétrolier, Marc Durand, le chouchou des écolos parce qu'il ne croit pas au potentiel de l'île d'Anticosti.

Si les recommandations économiques reposent sur des fondements fragiles, il est vrai, comme le dit le rapport, que le monde a changé - plafonnement de la demande, impact du gaz de schiste, surplus d'électricité, de l'électricité à bon marché. Mais en énergie, il y a un changement de paradigme tous les cinq ou 10 ans. Il est présomptueux et risqué de définir les choix d'une génération à partir d'une situation qui changera encore. Et de le faire sur un mode qui est presque cavalier.

Il est par ailleurs étonnant qu'un rapport qui déplore la surconsommation énergétique au Québec balaie en quelques paragraphes la pertinence d'une hausse des prix de l'électricité, ne parle pas de ses effets sur la demande, la production, la fiscalité. Ou que, dans le cas des tarifs subventionnés aux entreprises, elle ne se soit arrêtée qu'aux coûts de la mesure, sans explorer ses bénéfices.

Ce rapport, produit en vase clos, fait penser à certains rapports du coroner qui proposent de grands changements qui ne seront jamais appliqués. Une commission, pour être pertinente, ne doit pas seulement émettre des idées, elle doit aussi assurer leur mise en oeuvre. Sinon, c'est la tablette.