La première ministre Pauline Marois semble avoir jonglé avec l'idée de déclencher des élections sans présenter un nouveau budget. Cela aurait constitué une erreur que, finalement, le gouvernement n'a pas commise. Le ministre des Finances, Nicolas Marceau, déposera son deuxième budget demain.

C'était essentiel. Parce qu'un budget est un bilan. Il aurait été inconcevable que le gouvernement se présente devant l'électorat sans expliquer où il en est. Un budget est également un document financier formel qui présente l'état des finances publiques, évalue la marge de manoeuvre, décrit les problèmes financiers que le gouvernement doit résoudre. On ne peut imaginer une campagne électorale sérieuse sans ces informations essentielles, tant pour le gouvernement sortant que pour les partis d'opposition.

Pour ces raisons, il aurait été très coûteux pour le gouvernement Marois de se lancer en élections sans nouveau budget. Il aurait donné l'impression de vouloir cacher quelque chose. Par contre, la présentation du budget, demain, risque d'être tout aussi coûteuse, parce que cela braquera les projecteurs sur le point faible de cette administration: l'économie et les finances publiques.

Le budget de Nicolas Marceau, en novembre 2012, s'engageait formellement à éliminer le déficit dès 2013-2014, en le faisant passer de 1,6 milliard à zéro. Ce fut l'échec. Non seulement on a repoussé de deux ans le retour à l'équilibre budgétaire, mais on s'est en outre retrouvé dans la situation anormale où le déficit a augmenté au lieu de baisser, même si nous ne sommes plus en récession depuis plusieurs années. Pour 2013-2014, au lieu de disparaître, le déficit grimpe à 2,5 milliards. Et l'année suivante, 2014-2015, il sera toujours à 1,75 milliard; c'est plus que deux ans plus tôt.

Cet énorme échec s'est doublé d'une troublante absence de transparence. Le ministre Marceau et la première ministre Marois ont, pendant des mois, soutenu qu'ils respecteraient leurs objectifs budgétaires quand les données leur montraient sans doute que cela ne serait pas possible. Assez pour semer le doute. Si M. Marceau n'a pas donné l'heure juste l'automne dernier, est-ce que les chiffres de sa mise à jour économique et financière de novembre, où il a révélé son impasse financière, étaient exacts, et est-ce que ceux du budget de demain le seront? D'où l'importance du rapport que le Vérificateur général présentera aujourd'hui.

Les raisons qu'a données le ministre Marceau pour justifier pourquoi il n'a pas réussi à éliminer le déficit ne sont pas non plus satisfaisantes. Ce n'est pas à cause des dépenses, selon lui, qui sont restées sous contrôle, mais parce que les revenus n'ont pas augmenté comme prévu. Ce n'est pas une explication, c'est une constatation, un peu comme dire que la cause d'un accident d'avion est l'écrasement.

La faiblesse des recettes fiscales tient en bonne partie à la faible inflation qui a réduit la hausse automatique des recettes. Mais pourquoi ce n'est pas arrivé au gouvernement fédéral qui, avec la même inflation, a vu ses revenus augmenter comme il l'avait prévu? Les prévisions d'Ottawa étaient-elles meilleures?

La faiblesse des revenus tient aussi à une consommation plus faible, à des mises en chantier plus anémiques, essentiellement les symptômes d'une économie déprimée. Ce que l'on voit aussi sur le marché du travail. Le Québec, n'a créé que 10 000 emplois en un an, de janvier 2013 à janvier 2014, tous à temps partiel, tandis qu'il s'en créait 53 800 en Ontario et 145 900 au Canada. Est-ce que le plan d'action économique du gouvernement, Priorité Emploi, qui à mon avis ressemble davantage à une distributrice à bonbons électoraux qu'à une stratégie, réglera le problème?

Voilà le genre d'interrogations auxquelles le ministre Marceau devra répondre demain, de doutes qu'il devra dissiper. Sa tâche ne sera pas facile.