En 2012, l'ensemble des dépenses du gouvernement fédéral au Québec a dépassé de 16,3 milliards les recettes perçues dans la province.

Ottawa a touché 44,5 milliards - impôt sur le revenu, impôts sur les sociétés, TPS, cotisations. Mais il a dépensé 60,8 milliards, en salaires pour ses employés, en biens et services, en paiements aux personnes, comme les pensions, en intérêts sur la dette et en transferts au gouvernement du Québec.

Ces chiffres, provenant des Comptes économiques des revenus et des dépenses du Québec, produits par l'Institut de la statistique du Québec, disent noir sur blanc ce que bien des gens nient encore. Le Québec ne subventionne pas la fédération. C'est le Québec qui est subventionné. Cela soulève trois enjeux importants.

Tout d'abord, même si le débat sur la souveraineté est en sourdine, ces données remettent en question, encore une fois, un des thèmes récurrents du discours souverainiste: le fait que l'indépendance serait financièrement rentable en permettant au Québec de récupérer son argent.

On a hâte de voir comment le livre blanc sur l'avenir du Québec que promet Pauline Marois gérera la chose. On dira que ces données ne tiennent pas compte du caractère peu structurant des dépenses fédérales au Québec ou encore on affirmera que l'élimination des duplications comblerait ce trou. Mais l'écart est si énorme qu'aucune acrobatie statistique ne permettrait de le faire disparaître.

Il y a quand même une nuance à apporter. L'écart entre les dépenses et les revenus du fédéral au Québec a explosé depuis 2007, quand il s'établissait à 7,3 milliards. S'il a bondi à 16,3 milliards, c'est essentiellement parce que, depuis la crise, Ottawa enregistre des déficits budgétaires qui ont même dépassé le cap des 50 milliards.

Le deuxième enjeu porte sur le fonctionnement du fédéralisme. Le Québec reçoit beaucoup du fédéral, notamment des paiements de péréquation qui atteindront 9,3 milliards cette année. Ces paiements, qui compensent l'insuffisance de l'assiette fiscale de certaines provinces, constituent clairement un transfert des provinces riches vers des provinces pauvres comme le Québec. C'est le Québec qui reçoit, en dollars, le plus gros montant de péréquation - plus de la moitié - quoique, par habitant, il soit loin d'être le principal bénéficiaire.

Pourquoi sommes-nous une province pauvre depuis le début du programme de péréquation? Et pourquoi cela ne semble pas nous gêner?

Le Québec s'est installé dans une culture de dépendance dans le cadre fédéral. Et cela crée un malaise chez les provinces riches qui ont l'impression que le Québec ne fait pas tout ce qui est en son pouvoir pour s'en sortir, notamment en ce qui a trait au développement de ses ressources. On dit non au gaz et au pétrole, on méprise les provinces qui en produisent, mais on accepte leur argent. Un message que reprenait la lettre du ministre conservateur Denis Lebel publiée la semaine dernière dans La Presse.

Le troisième enjeu est québécois. Ce déséquilibre est une autre façon d'illustrer à quel point le modèle québécois repose sur des bases fragiles. Comment, avec un niveau de vie plus faible, le Québec réussit-il à avoir un filet de sécurité sociale plus complet qu'ailleurs au Canada? Ce miracle québécois s'explique par notre dette plus élevée, nos impôts plus élevés, mais aussi par ce coup de pouce fédéral.

Mais ce modèle n'est pas viable, parce qu'on ne peut plus s'endetter, qu'on ne peut plus vraiment augmenter les impôts, que les finances publiques québécoises sont en crise structurelle et qu'on ne pourra pas toujours compter sur la manne fédérale.

Et cela nous ramène au même clou, celui sur lequel je frappe si souvent. Si le Québec veut rester une société généreuse, il doit s'en donner les moyens et s'assurer d'avoir le niveau de vie qui lui procurera les ressources dont il a besoin.