Cette année, le gouvernement du Québec a été incapable d'équilibrer son budget. Il compte parvenir au déficit zéro d'ici 2015, au prix de mesures pénibles et de choix très difficiles.

Mais le problème des finances publiques du Québec ne sera pas réglé pour autant. Si on ne fait rien, le déficit risque d'atteindre 3,7 milliards en 2020. En 2025, il sera rendu à 8,4 milliards et en 2030, il explosera à 17,1 milliards.

Ces chiffres sont le produit d'un exercice de prospective réalisé par la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke auquel ont entre autres participé les économistes Luc Godbout et Pierre Fortin. Ce ne sont pas des prévisions, car il est évident qu'aucun gouvernement ne laissera les finances publiques se détériorer à ce point-là.

Ce sont plutôt des projections, à partir d'hypothèses prudentes qui tentent de mesurer la soutenabilité budgétaire, de ce qui va se passer si le gouvernement du Québec maintient sa politique budgétaire actuelle, avec les mêmes services et le même régime fiscal. Le but est de voir si les choix budgétaires actuels sont viables ou s'ils mènent à un endettement excessif, tout en empêchant les générations futures d'avoir droit aux mêmes services.

Selon moi, les finances publiques sont déjà en état de déséquilibre chronique, que l'on combat tant bien que mal. Cette étude montre que le vieillissement de la population, appelé sobrement la « transition démographique » - plus brutale au Québec qu'ailleurs -, transformera le déséquilibre en véritable impasse.

Ces projections montrent que les efforts pour maintenir les finances à flot seront de plus en plus pénibles et qu'en fait, pour les décennies qui viennent, les finances publiques québécoises seront en état de crise permanente. En fin de compte, cela montre que notre modèle n'est tout simplement pas viable.

Les changements démographiques seront profonds. La proportion de personnes âgées de plus de 65 ans augmente de façon marquée : 7 % de la population en 1971, 13 % en 2013, et 28 % en 2050. Et parallèlement, si en 1971 on comptait 9,4 personnes entre 15 et 64 ans pour chaque personne de 65 et plus, ce rapport est passé à 4,1 en 2013 et fondra à 2,1 en 2050. Cela a deux types d'impact sur les finances publiques : une pression sur les dépenses, et une réduction des revenus en raison d'une croissance moindre.

Selon ces projections, la croissance annuelle moyenne des dépenses de santé sera de 4,9 %, ce qui fait qu'elles passeront de 44,3 % des dépenses gouvernementales totales en 2013 à 51,8 % en 2030. Et même si d'autres postes de dépenses augmenteront moins vite, comme l'éducation, l'impact de la santé fera en sorte que les dépenses publiques croîtront plus vite que l'économie, d'où l'impasse.

La transition démographique aura aussi un effet économique, parce qu'on ne pourra plus compter sur une augmentation de la population en âge de travailler pour nourrir la croissance. Celle-ci ne reposera que sur une hausse de la productivité. Et c'est ainsi que la croissance annuelle de l'économie, de 2 % en moyenne depuis trente ans, passera à 1,4 %, ce qui affectera les revenus fiscaux.

Évidemment, ce scénario n'arrivera pas. Parce qu'il faudra agir. Comment ? Taxer plus ? Couper ? Mieux gérer ? Repenser les missions de l'État ? Le véritable enjeu est le suivant : voulons-nous abandonner notre modèle, ou encore, ce qui serait bien mieux, voulons-nous prendre les moyens pour le préserver ?

Toutefois, cette étude montre aussi que si l'économie faisait mieux, entre autres avec un meilleur taux d'emploi et une plus grande productivité, l'impasse pourrait être évitée. Et cela nous rappelle pourquoi la croissance économique et la création de richesse devraient nous préoccuper, et même nous obséder. C'est une nécessité collective et une obligation morale.