Je me suis demandé s'il valait la peine de commenter les propos d'Yves Michaud, qui conseille de plier bagage à ceux qui voudraient continuer à porter des signes religieux ostentatoires. M. Michaud parle beaucoup, il dit souvent des sottises. Faut-il toutes les relever?

Deux choses m'ont fait changer d'idée. L'ancien diplomate et journaliste, très populaire dans les médias, est apparu trois fois dans le débat public en deux semaines, sur trois sujets différents: la rémunération des dirigeants de banque, la pertinence du Bloc et cette sortie sur les immigrants religieux. Il a en outre fait l'objet d'un article terriblement élogieux dans Le Devoir avant Noël. M. Michaud est un personnage public dont les propos peuvent avoir une influence.

Mais surtout, sa suggestion, «s'ils ne sont pas contents, ils n'ont qu'à partir», est l'expression même d'un discours d'exclusion. M. Michaud admet maintenant avoir «poussé le bouchon un peu loin». Peut-être s'est-il rendu compte qu'il reprenait les thèses de Jean-Marie Le Pen qui a déjà dit: «Si vous prétendez vivre dans vos lois, vos moeurs à vous, avec votre culture, alors il vaut mieux que vous rentriez chez vous». Mais ce petit recul de M. Michaud n'enlève rien à la triste bêtise de son propos.

Le débat sur la charte porte essentiellement sur le port du voile islamique. Et bien, de quoi M. Michaud a-t-il parlé dans l'entrevue qui a fait les manchettes? Quand il a lancé: «Ils perdront, (leur travail) ou ils l'enlèveront, qu'est ce que vous voulez. Et ils iront dans un pays où c'est toléré», c'est de kippa qu'il parlait!

On se souvient qu'Yves Michaud a été profondément blessé par la condamnation à l'unanimité de l'Assemblée nationale pour avoir tenu des propos antisémites, ce dont il s'est toujours défendu. Et bien, sans accuser M. Michaud d'antisémitisme, on peut noter qu'il manifeste, avec constance, un intérêt immodéré pour la communauté juive.

Cela l'amène à commettre une erreur. Son discours consiste à dire que ceux qui débarquent ici doivent s'adapter. Mais les Juifs constituent une immigration ancienne, établie au Québec depuis des générations. En leur suggérant de plier bagage, il les condamne à l'exil.

M. Michaud commet une autre erreur, celle-ci linguistique, étonnante pour quelqu'un qui manie la langue avec préciosité. «Qu'ils suivent les us et coutumes du Québec», a-t-il lancé. En français, «us et coutumes» décrit les usages traditionnels. Notre tradition est religieuse, catholique, assez profonde pour expliquer l'imperfection de la séparation entre l'Église et l'État et notre tendance, par extension, à accepter la présence des autres religions dans la sphère publique. La laïcité du projet de charte constitue un changement. Ceux qui portent des signes religieux ne bafouent pas nos «us et coutumes», ils doivent plutôt composer avec de nouvelles règles du jeu.

On peut noter aussi que M. Michaud, lorsqu'il parlait de laïcité, faisait bien davantage référence au modèle français. Une forme de francophilie que l'on retrouve aussi chez Pauline Marois, qui a sollicité la bénédiction paternaliste du président Hollande. Quelle étrange source d'inspiration. La France est un pays malade dans ses relations avec ses minorités maghrébines, juives ou roms, comme on le voit encore avec l'affaire Dieudonné.

Le parrain de la charte, Bernard Drainville, n'est évidemment pas responsable des propos d'Yves Michaud. Évitons les accusations de crime par association. N'oublions pas que les adversaires de la Charte, dont je suis, se retrouvent, eux, du même bord que les imams intégristes!

Mais ce qu'on doit reprocher à M. Drainville et à son gouvernement, c'est d'avoir, en lançant ce débat inutile, encouragé les expressions d'intolérance. On en a un autre exemple.