La semaine dernière, une vague de froid a paralysé le Québec, avec des températures inférieures à -30 degrés. Pendant ce temps, il faisait 5 à Oslo et Stockholm, avec des minima nocturnes de 4. Cette semaine, le Québec est en plein yoyo climatique. Mais hier, il faisait 9 à Copenhague et on ne prévoit pas que le mercure passe au-dessous de zéro dans les deux prochaines semaines.

Les écarts de température entre le Québec et l'Europe du Nord ne sont pas toujours aussi spectaculaires. Mais ils sont assez réels pour expliquer pourquoi les Québécois ont des rapports difficiles avec l'hiver et n'assument pas leur nordicité avec l'enthousiasme des Scandinaves.

En fait, les Québécois n'ont jamais été et ne seront jamais de vrais nordiques. Les comparaisons culpabilisantes que l'on fait trop souvent avec les pays scandinaves sont vraiment boiteuses, pour des raisons géographiques, climatiques, historiques et économiques.

Commençons par un petit rappel géographique. Montréal se situe à 45 degrés et 40 minutes de latitude nord, exactement à mi-chemin entre le pôle et l'équateur, aussi au sud que Bordeaux, Lyon et Turin, des villes où les palmiers survivent. Oslo et Stockholm sont au 59e parallèle, autant au nord que le Nunavik, à la hauteur de villages inuits comme Tasiujaq, sur la baie d'Ungava. On peut alors parler de nordicité dans le sens strict du terme.

Ce qui est nordique au Québec, ce n'est pas sa situation géographique, mais son climat continental, refroidi l'hiver par l'air arctique. Nous sommes en fait une région tempérée affligée d'un hiver glacial. Les pays scandinaves, même s'ils sont très au nord, grâce à la proximité de la mer et aux effets du Gulf Stream, ne connaissent pas nos rigueurs hivernales. À Oslo, il n'y a qu'un seul mois, janvier, où le gel est la norme le jour, avec un maximum moyen de -1,8. À Copenhague, le maximum moyen est de 1,9 en janvier. Il est de -5,7 à Montréal. Copenhague ou Stockholm ne sont pas, comme Montréal, ensevelis sous la neige pendant des mois.

Ces différences climatiques ont des impacts profonds. Les hivers des villes scandinaves ne sont pas assez brutaux pour imposer une rupture du mode de vie. Il fait assez doux pour poursuivre les activités extérieures, ce qui n'est pas le cas au Québec avec son climat extrême.

À l'inverse, les étés québécois sont beaucoup plus chauds. À Copenhague, le maximum moyen en juillet est de 20,4, avec des nuits fraîches à 12,9, un soleil pâlot qui ne se couche presque pas. À Montréal, le maximum moyen est de 23, avec des canicules, un soleil de plomb, des nuits chaudes. Assez pour développer une culture presque tropicale, qui rend plus difficile le retour à l'hiver.

Le rapport difficile avec la nordicité est également coloré par notre histoire. Le Québec a été peuplé par des colons français qui n'avaient aucune tradition nordique. Quatre siècles, on le sait bien, ne suffisent pas pour effacer le passé d'un peuple. Mais surtout, cette colonisation a été essentiellement agricole, avec une concentration des populations dans les zones fertiles du sud. Une société qui dépend de l'agriculture pour sa survie ne voit pas l'hiver rude comme un allié, mais plutôt comme un ennemi.

À cela s'est ajouté un autre phénomène, l'urbanisation. L'hiver, tolérable à la campagne, l'est beaucoup moins en ville, dont le mode de vie n'est pas conçu pour des chutes de neige de plus de 30 centimètres ou des vagues de froid extrêmes. Encore là, des incidents bien moins fréquents dans les villes scandinaves.

Bien sûr, cela n'empêche pas bien des Québécois d'aimer l'hiver, ses Noëls blancs, ses activités extérieures. Mais pas assez pour développer une véritable culture nordique.