Il y a quelqu'un qui a dû pousser un gros soupir de soulagement vendredi matin, et c'est le ministre des Finances du Québec, Nicolas Marceau, quand Statistique Canada a publié son Enquête sur la population active pour le mois d'octobre.

Après des mois de baisses, l'emploi s'est mis à remonter au Québec de façon spectaculaire. En septembre, il s'est créé 15 000 emplois. On ne savait cependant pas si c'était un simple accident ou le signe annonciateur d'un revirement. La réponse est arrivée en octobre avec un autre gain, substantiel, de 34 100 nouveaux emplois. Ces deux hausses effacent pratiquement toutes les pertes depuis le début de l'année. Nous sommes maintenant à peine 2000 emplois en dessous du sommet de janvier. 

Il est important de le souligner. Souvent, on a tendance à davantage à insister sur les mauvaises nouvelles que sur les bonnes. L'emploi constitue peut-être la mesure la plus importante de la santé économique. Les résultats des deux derniers mois semblent indiquer que la situation est meilleure qu'on aurait pu le croire.

Il faut aussi parler de ces hausses par honnêteté intellectuelle. Les résultats désastreux de l'emploi au Québec tout au cours de la première moitié de l'année ont été abondamment commentés, notamment dans cette chronique. Le ministre Marceau a été la cible des tirs répétés de l'opposition libérale et caquiste.

Le débat partisan a été particulièrement primaire dans ce dossier. Les deux partis d'opposition on carrément accusé, à je ne sais combien de reprises, le gouvernement Marois d'être responsable de ces baisses d'emploi. Une erreur que je n'ai pas commise. Ce n'est pas le gouvernement qui crée ou perd les emplois, surtout lorsqu'il vient de prendre le pouvoir et qu'il hérite de l'économie qu'on lui a léguée.

Voilà l'opposition bien piégée. Car si le gouvernement Marois était responsable des baisses d'emploi, il est donc également responsable des hausses. Cela donne sur un plateau d'argent à M. Marceau de solides munitions, surtout dans un contexte électoral.

Une petite remarque sur M. Marceau. J'ai trouvé inacceptable sa façon de nier pendant des mois qu'il y avait un problème, même si le Québec avait perdu 52 000 emplois depuis le début de l'année, sous prétexte qu'il ne fallait pas regarder les variations mensuelles de l'emploi, mais plutôt les moyennes annuelles. Et bien, maintenant que ça remonte, le ministre se sert triomphalement des données mensuelles qu'il rejetait auparavant avec vigueur. Ah, la politique!

L'embellie sur le marché du travail suscite une question plus fondamentale. Le gouvernement Marois et M. Marceau ont rendu publique, il y a un mois, une grande stratégie économique, Priorité Emploi. Son objectif: créer 43 000 emplois d'ici 2017, au coût de deux milliards. Pourquoi dépenser deux milliards pour créer 43 000 emplois en quatre ans, quand le Québec a réussi à en créer - gratis - 49 100 en deux mois?

La stratégie comporte des éléments très positifs, mais le gouvernement Marois avait surtout mis l'accent sur quatre «mesures phares» pour créer de l'emploi à court terme», notamment l'accélération de travaux publics, attirer des investissements avec des rabais d'électricité, et des subventions à la rénovation domiciliaire pour stimuler la construction, ce qui semble assez inutile puisqu'il y a 42 900 emplois de plus dans cette industrie depuis un an.

On ne peut que suggérer au ministre Marceau de convaincre ses collègues de mettre la pédale douce sur ces interventions à court terme inutiles, sans doute inspirées par la panique devant une détérioration de l'emploi maintenant contrôlée et par le calcul électoral, et d'insister sur les aspects plus structurants de la stratégie: susciter des investissements, stimuler le commerce extérieur, favoriser la productivité ou la recherche.