La première ministre Pauline Marois pouvait célébrer le premier anniversaire de son arrivée au pouvoir avec une certaine sérénité. Son parti remonte dans les derniers sondages, elle a le vent dans les voiles avec le débat sur les valeurs québécoises.

Et pourtant, hier, le jour même de cet anniversaire, Mme Marois a peut-être compromis ce qui aurait pu être une lune de miel à retardement, en renouant avec les comportements qui ont contribué à son impopularité - indécision, doubles messages, abandon de promesses - dans le dossier lourdement symbolique du déficit zéro.

Il est clair que le gouvernement Marois n'est pas responsable du déficit, provoqué par la récession mondiale. Les libéraux ne l'avaient pas complètement éliminé, léguant aux péquistes la dernière étape, plus ardue que les premières, et sans doute quelques centaines de millions de pelletage électoral. Et pour coiffer le tout, l'économie mondiale s'est mise à ralentir depuis un an, ce sur quoi le gouvernement n'a aucun contrôle.

C'est ainsi que les données financières d'avril et mai du ministère des Finances font état d'une baisse préoccupante des revenus budgétaires, surtout ceux de la TVQ et de l'impôt des sociétés, assez pour qu'il devienne très difficile, et peut-être même impossible, d'éliminer le déficit dès cette année, 2013-2014, comme la loi le prévoit et comme le gouvernement s'est formellement engagé à le faire.

Face à ces données inquiétantes, le ministre des Finances, Nicolas Marceau, a un peu ouvert la porte, mardi matin, à un report de l'atteinte du déficit zéro. «S'il y a des ajustements à faire, nous les apporterons et nous les annoncerons au moment de la mise à jour.» Quelques heures plus tard, il refermait cette porte. «C'est un engagement ferme, c'est un objectif que nous allons atteindre».

Mais presque au même moment, la première ministre la rouvrait. «On va regarder les chiffres. Si c'est effectivement assez important comme baisse de revenus, il faut être capable d'agir avec intelligence à cet égard-là, disait-elle en entrevue à Radio-Canada. Il pourrait y avoir une révision de ces échéances-là, mais ce n'est pas ce que je souhaite... On souhaiterait pouvoir tenir la route.» Bref, on dit une chose et son contraire.

En soi, l'idée d'étaler l'élimination du déficit se défend, pour ne pas compromettre la reprise, pour éviter des coupes nuisibles. Cette option est moins accessible au Québec, en raison de son niveau d'endettement élevé et parce que le gouvernement péquiste a moins de marge de manoeuvre face aux marchés financiers. Mais la pire approche, ce sont l'indécision et les doubles messages, parce ce qu'au-delà des chiffres, c'est la confiance dans la capacité d'un gouvernement de contrôler ses finances qu'évaluent les marchés financiers.

Ces doubles messages sont également coûteux au plan politique, parce qu'ils s'inscrivent dans une longue liste d'hésitations et d'abandons de promesses, et qu'un échec déplairait, pour des raisons très différentes, tout autant à gauche qu'à droite.

Ce qu'on note aussi, c'est que la mauvaise tenue de l'économie, qui influe sur les finances publiques, ne s'explique pas seulement par le contexte mondial. Elle a aussi des accents bien de chez nous. La croissance québécoise est plus faible que celle du Canada, et le Québec perd des emplois - 45 900 entre janvier et juillet - pendant qu'on en crée ailleurs 99 800 de plus dans les autres provinces. Nous verrons, ce matin, si Statistique Canada confirme cette troublante tendance.

Mais le temps joue contre le gouvernement Marois. Plus le temps passe, plus il lui sera difficile d'attribuer ses problèmes économiques et financiers à ses prédécesseurs, plus le déficit deviendra le sien, plutôt que celui des libéraux, et plus il devra assumer sa part de responsabilité pour la tenue de l'économie.