On accuse souvent le gouvernement Marois de se comporter comme une poule sans tête, de changer d'idée et d'aller dans toutes les directions. L'image n'est pas toujours exacte. Dans bien des cas, il serait plus précis de parler de poule à deux têtes.

Comme dans le dossier du pétrole sur l'île d'Anticosti, où le gouvernement péquiste est au centre d'une controverse, accusé d'avoir publié en catimini des règlements favorables à l'industrie, de vouloir permettre du forage avant le résultat des études environnementales. S'il y a controverse, c'est parce que le gallinacé est bicéphale.

Le malaise trouve son origine dans les positions extrêmement critiques de Pauline Marois et de son parti dans le dossier du gaz de schiste, tant dans l'opposition qu'au gouvernement. Cela a culminé au mois de mai par l'imposition d'un moratoire formel sur les activités d'exploration qui restaient encore possibles.

Le ton est différent dans le cas du pétrole. La première ministre a clairement manifesté son intérêt pour cette filière. Même le ministre de l'Environnement, Yves-François Blanchet, dans une entrevue récente au Devoir, a parlé de partenariat avec l'industrie et affirmé que des travaux d'exploration sur l'île d'Anticosti auraient lieu avant l'examen environnemental. 

Le problème, c'est que le pétrole et le gaz sont des produits proches, des hydrocarbures, souvent présents dans les mêmes sites, et que les usages du gaz sont moins polluants. Et surtout, le pétrole de l'île d'Anticosti est probablement du pétrole de schiste, et l'exploration devra sans doute se faire avec le même procédé de fracturation hydraulique. Pourquoi cette méthode serait honnie dans un cas et pas dans l'autre? 

D'où cette tension entre les deux PQ, celui qui tirait dans toutes les directions dans l'opposition et celui qui, au pouvoir, doit composer avec la réalité. D'où aussi l'effet boomerang, la colère de ceux qui se sentent trahis par ce qu'ils voient comme une volte-face. 

Le parti de Mme Marois a en effet contribué à diaboliser la fracturation hydraulique. Il a aussi entretenu la confusion entre l'exploration - des forages pour savoir ce que contient le sous-sol - et l'exploitation - la production à grande échelle.

Le moratoire sur le gaz, un des grands slogans du PQ, repose sur cette confusion. Il fallait freiner le développement sauvage du gaz, auquel le gouvernement libéral avait ouvert la porte, d'autant plus que les réserves potentielles de gaz se trouveraient près de lieux habités. Mais le moratoire, et donc l'interdiction de toute forme d'exploration, est vraiment une mauvaise idée, parce qu'on ne sait pas vraiment ce que contient notre sous-sol. 

Actuellement, nous soumettons le gaz de schiste à un examen environnemental sans même savoir si le Québec dispose de ressources exploitables. Absurde, d'autant plus qu'il y aurait certainement moyen de faire cette exploration de façon encadrée.

C'est très exactement l'argument qu'invoque le ministre de l'Environnement dans le cas de l'île d'Anticosti, sur sa page Facebook, où il réplique au Devoir tout en lui donnant raison: «Il y aura un encadrement environnemental très sévère de l'étape exploratoire même avec laquelle, en effet, nous considérons aller de l'avant dans le but justement définir la suite des choses en termes de réglementation, d'évaluation environnementale et, le cas échéant, d'opportunité.» C'est logique, d'autant plus que, sur l'île d'Anticosti, la proximité des habitats humains ne se pose pas. 

Mais le ministre a du mal à faire valoir cet argument raisonnable, il a du mal à exposer clairement la position de son gouvernement et à faire preuve de la transparence qu'exige cet enjeu, parce que, dans ce dossier, on a quitté depuis longtemps le terrain de la conversation rationnelle.