Il y a un an, j'avais proposé un néologisme pour décrire l'amour immodéré des moratoires qui s'exprime avec vigueur au Québec. Les momos. Il y a un an, ils étaient dans la rue. Maintenant, ils sont au gouvernement.

Yves-François Blanchet, ministre du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs, le MDDEFP pour les intimes, a annoncé cette semaine l'imposition d'un moratoire sur l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste, deux mois après avoir décrété un autre moratoire, dont on a trop peu parlé, sur l'uranium.

Dans le cas du gaz de schiste, cela n'étonnera personne. Cela officialise le moratoire de facto déjà annoncé par la ministre Martine Ouellet, qui ne faisait que renforcer le quasi-moratoire du gouvernement Charest. En outre, comme le PQ en avait fait un engagement électoral, il pouvait difficilement rater cette occasion de tenir, enfin, l'une de ses promesses.

Même prévisible, cette décision agace, pour trois raisons. D'abord parce qu'il y a un flou sur le sens de la mesure. Dans le Larousse, un moratoire, c'est une suspension, un délai, une mesure qui a un caractère temporaire. Mais au Québec, parce que les moratoires sont réclamés par ceux qui s'opposent avec énergie à un projet, on a assisté à un glissement sémantique qui donne au mot une connotation de permanence.

Ensuite parce qu'il semble exister une contradiction entre l'opposition très ferme au gaz de schiste à cause du procédé de fracturation hydraulique et le préjugé favorable pour un pétrole qui serait produit de la même façon. Enfin, parce que les moratoires sont en général des gestes politiques symboliques, plus motivés par l'image que par les faits.

Le moratoire sur le gaz aura une durée maximale de cinq ans, le temps que le BAPE termine l'étude de la filière et que l'Assemblée nationale ait approuvé un cadre législatif exhaustif. Il est vrai que le Québec avait besoin d'une pause, pour étudier les risques de la fracturation hydraulique et définir un cadre qui protège les citoyens d'une exploitation qui peut se faire en milieu habité. Mais le délai, très long, risque de tuer nos chances de développer ce secteur, et l'arrêt des travaux de simple exploration, en nous empêchant de connaître le véritable potentiel du Québec, nous force à discuter dans le vide.

Et pendant que nous moratons - un autre néologisme - les États-Unis et d'autres provinces développent cette ressource d'une façon qui explique en partie la reprise économique américaine et qui est en train, selon un rapport de l'Agence internationale de l'énergie, de révolutionner le paysage énergétique mondial. Et pourtant, cette révolution dont nous nous excluons a des effets majeurs sur le Québec, notamment la concurrence du gaz qui affecte les exportations d'Hydro.

Dans le cas de l'uranium, le gouvernement Marois n'a pas imposé explicitement un moratoire, mais il a soumis les projets de développement à un examen du BAPE dont les délais sont imprévisibles. On a changé les règles du jeu après coup et compromis, entre autres, des investissements de 120 millions au nord de Chibougamau qui avaient obtenu tous les permis fédéraux et provinciaux. Et pas pour protéger le Québec d'un danger réel - l'exemple de la Saskatchewan montre à quel point il s'agit d'une extraction minière sécuritaire - mais au nom d'une opposition idéologique diffuse au nucléaire en général.

C'est dans ce contexte moratorien que la première ministre Pauline Marois a annoncé un plan de développement pour la Gaspésie, à Gaspé même, là où on a bloqué un timide développement pétrolier, où son gouvernement mise plutôt sur la filière éolienne qui consiste essentiellement à payer trop cher, avec des fonds publics, pour une électricité dont nous n'avons pas besoin.