En se retirant à la course au leadership du Parti libéral du Canada, et en concédant la victoire au favori, le candidat Marc Garneau ouvre clairement la porte à un couronnement de Justin Trudeau, à une victoire dès le premier tour de scrutin.

Au premier abord, on pourrait y voir un signe de santé du Parti libéral, capable enfin de retrouver son unité et de se doter d'un chef pouvant les ramener au pouvoir, après la série noire, les échecs de Paul Martin, Stéphane Dion et Michael Ignatieff.

Sur papier, les stratèges et les militants libéraux peuvent sembler avoir raison. Un sondage récent du National Post montre que l'arrivée de Justin Trudeau à la tête des libéraux bousculerait les équilibres politiques. Les libéraux, avec 31% des appuis, sont légèrement derrière les conservateurs, à 32%, et pas loin devant le NPD qui obtient 27%. Mais avec Justin Trudeau, l'appui aux libéraux bondirait à 39%, ce qui leur assurerait la victoire contre les conservateurs, qui passeraient à 32%. C'est le NPD qui ferait les frais, en sombrant à 20%.

Cependant, on sait qu'il faut se méfier des succès des nouveaux venus dans le paysage politique. Parlez-en à François Legault. Le désir de changement et l'attrait de la nouveauté provoquent des élans le plus souvent fragiles et éphémères.

Mais surtout, le couronnement de Justin Trudeau reposait sur un pari. Et c'était que, derrière le charme manifeste du candidat favori, on puisse trouver de la substance. Et que l'on réussisse à transformer une personnalité média en premier ministre potentiel. Ce travail de conversion n'est toujours pas fait.

Depuis le début, le cheminement de Justin Trudeau dans la vie publique repose sur une image. Le principal atout de Justin Trudeau est d'être le fils de Pierre Elliott Trudeau, le seul personnage politique contemporain canadien qui fait l'objet d'une vénération, qui incarne le rêve canadien.

Pour ceux qui en doutent encore, Justin Trudeau, en dévoilant les détails de sa situation financière, a révélé qu'il a touché 462 000$ en cachets pour des conférences en 2007. C'est beaucoup. Pourquoi on l'invitait et était-on prêt à lui verser de gros cachets? En 2007, il n'était même pas député. Quoi alors? Son expérience de prof de français en Colombie-Britannique? Ses études non terminées en génie? Ses études non terminées en géographie? Non. On invitait le fils de PET.

Cette dynamique de couronnement aux parfums dynastiques a été renforcée par les règles du jeu de cette course au leadership où le vote est ouvert non seulement aux membres en règle, mais aussi à des sympathisants, plus susceptibles d'être sensibles à la notoriété. C'est ainsi qu'il n'y a jamais eu de vrai suspense dans cette course au leadership.

Ça aurait pu à tout le moins être l'occasion de tester M. Trudeau dans le débat. Mais rien dans cette campagne n'a permis de montrer que derrière l'image de Justin Trudeau, il y avait de la substance. Il a refusé de proposer un projet structuré, il s'est cantonné aux formules généreuses et générales, et il a continué à faire des gaffes avec le même empressement.

Et rien ne permet de croire que M. Trudeau possède ou peut développer les qualités que l'on exige d'un futur chef du PLC susceptible de devenir premier ministre d'un pays membre du G7 - un certain sens des responsabilités, des qualités de leadership, une maîtrise des dossiers, un projet.

Une victoire de Justin Trudeau n'annoncerait pas une régénérescence du PLC, mais plutôt le fait qu'ils ne sont pas encore sortis de leur long purgatoire. Pauvres libéraux! Stephen Harper et Thomas Mulcair doivent se frotter les mains.