Six mois, c'est une éternité en politique. Encore plus pour un parti qui passe de l'opposition au pouvoir. On le voit encore une fois avec l'énorme chemin parcouru par le gouvernement Marois dans le dossier de la fiscalité minière.

On n'a pas oublié que Pauline Marois, accusant les libéraux d'avoir bradé nos ressources, avait promis de doubler les redevances minières. Changement de ton radical dans le document de consultation sur le régime d'impôt minier que son gouvernement a rendu public jeudi soir, qui doit être la base d'une consultation qui se tiendra ce vendredi.

Finie la rhétorique, finis les propos hostiles à l'égard de l'industrie minière. Dans ce document sobre, le nouveau gouvernement qualifie le régime minier d' «imparfait», réaffirme son intention d'augmenter les revenus provenant de l'exploitation des ressources minières, mais abandonne carrément sa promesse insensée de les doubler.

Si on lit entre les lignes, cette longue boucle amène le gouvernement péquiste à peu près la où étaient leurs prédécesseurs libéraux. La consultation qui s'amorce semble moins être le coup d'envoi d'une révolution qu'une façon de permettre au gouvernement Marois de reculer sans trop perdre la face.

On peut accueillir ce virage de diverses façons. Ceux qui avaient cru le PQ y verront une trahison. Ses adversaires dénonceront cet autre virage à 180 degrés. Mais on peut aussi se réjouir de cette évolution et y voir un signe que le nouveau gouvernement, en maîtrise de ses dossiers, est en train de trouver son rythme de croisière. Dans ce cas précis, cela tient au fait que le dossier des redevances est piloté par le ministre des Finances, Nicolas Marceau, plutôt que par sa bouillante collègue des Ressources naturelles, Martine Ouellet.

Le document de consultation souligne que l'activité minière est cyclique, que la réforme doit «maintenir des conditions propices à la réalisation des projets d'investissements actuels et futurs». Bref, qu'il ne faut pas tuer la poule aux oeufs d'or - parlons plutôt parler d'oeufs d'acier, étant donné l'importante des mines de fer. Le problème, c'est que la poule est la même, peu importe le couleur du parti au pouvoir.

«Le gouvernement du Québec, lit-on dans le document, veut améliorer le partage de la richesse créée par l'exploitation des ressources minérales sur le territoire du Québec.» Le gouvernement précédent croyait sincèrement être allé chercher le maximum possible. Et rien ne permet de croire que la «juste part» dont rêve le nouveau gouvernement puisse être vraiment supérieure.

Entre autres, un des arguments souvent utilisés par Mme Marois, le fait que la moitié des mines ne payaient pas de redevances, ne tient pas la route. Et c'est le document de son gouvernement qui explique pourquoi. Ces 10 mines sur 20 ne versent pas de redevances parce qu'elles ne sont pas rentables ou qu'elles sont en début d'exploitation et elles ne comptent que pour 19 % de la production.

Cette absence de marge de manoeuvre est très bien illustrée dans l'étude que le gouvernement libéral avait commandée à la firme PricewatherhouseCoopers, et que la ministre Ouellet, mécontente de ses conclusions, avait gardé secrète jusqu'ici. Dans cette comparaison des régimes australien et québécois, on apprend que le coût moyen «est considérablement plus élevé dans le cas du projet québécois».

Bref, cet exercice risque de mener à une opération de «fine tuning» où on modifiera les formules de taxation, pour intégrer une taxe sur la valeur, et pour rendre progressives les redevances sur les profits, sans vraiment tout révolutionner. Ça aurait été beaucoup plus simple, et moins dommageable, de s'en tenir au statu quo.