L'Institut de recherches et d'information socio-économiques, l'IRIS, a publié la semaine dernière une étude pour s'attaquer à un « mythe tenace « et démontrer que ce n'est pas vrai que les Québécois sont les plus taxés en Amérique du Nord.

Comment pourraient-ils réussir leur coup ? Il y a tellement de chiffres, de comparaisons, d'analyses qui disent le contraire. Les données de l'OCDE indiquent que les recettes fiscales, aux États-Unis, s'élèvent à 25% du PIB. La ponction fiscale est nettement plus importante au Canada, à 32%. Elle l'est encore davantage au Québec, à 39%. On se demande comment le Québec, où l'effort fiscal est ainsi supérieur de 56% à celui des États-Unis, réussirait à être moins imposé.

L'étude tente donc de démontrer l'indémontrable en recourant à des artifices maladroits et à une bonne dose de mauvaise foi, mais elle échoue assez lamentablement. Et c'est dommage, parce qu'on a besoin de débats sur la fiscalité, et que, dans ces débats, on a besoin de voix de gauche. Le problème, c'est que la gauche est très mal défendue avec un organisme comme l'IRIS, qui n'est pas vraiment un institut de recherches, dont les publications sont plus des pamphlets que des études.

Le premier artifice, c'est que le texte de 10 pages, intitulé « Les Québécois-es : les plus imposé-es en Amérique du Nord ? «, ne porte pas vraiment sur l'Amérique du Nord ! Avec un titre pareil, on se serait attendus à une comparaison fiscale avec les provinces canadiennes et les États américains. Mais non. L'étude compare plutôt le Québec avec les pays du G7, dont le Canada et les États-Unis, les quatre pays scandinaves et l'Australie.

Deuxième artifice, l'étude ne porte pas sur l'ensemble de la fiscalité, mais seulement sur l'impôt sur le revenu. Même là, l'IRIS aurait frappé un os, parce que les recettes de l'impôt personnel sont très élevées au Québec : 12,8% du PIB, contre 11,1% au Canada ou 9,2% aux États-Unis. La ponction au Québec est même plus forte qu'en Suède, 12,3%, ou en Norvège, 10,0%, quoique bien plus faible qu'au Danemark, 24,5%.

Ce qui mène au troisième artifice. L'étude ne prend pas en compte tous les contribuables mais analyse les cas qui soutiennent sa thèse, célibataires au salaire moyen de 43 709 $, familles au revenu combiné de 72 995 $. Dans tous ces cas, les Québécois se retrouvent à être parmi les moins imposés du groupe. Mais l'étude ne démontre rien, sinon le fait que les Québécois à plus faibles revenus sont épargnés par le fisc, parce que nous avons un système d'impôt progressif. Nous le savions déjà.

Le problème, c'est que le document oublie du monde, les quelque 666 000 personnes qui ont des revenus supérieurs à 75 000 $ et qui paient 55% de l'impôt personnel. Et qui, elles, sont beaucoup plus taxées qu'ailleurs sur le continent. Oups.

Ce qui est fascinant, c'est qu'une étude comme celle-là, vraiment faible, a eu droit à une généreuse couverture médiatique, des entrevues complaisantes à la télé. Comme s'il suffisait de s'autoproclamer institut de recherche pour être pris au sérieux.

Mais ce qui fait le succès de l'IRIS, c'est la tendance des médias, surtout électroniques, à voir le débat public comme l'affrontement de points de vues tranchés et opposés. Puisqu'il y a des groupes de recherche de droite, comme l'Institut Fraser ou l'Institut économique de Montréal, il faut un contrepoids à gauche. Par souci d'équilibre, mais aussi dans l'espoir que la vérité jaillira de la confrontation des idées. Comme si, en faisant la moyenne des excès de gauche et de droite, on réussira à avoir l'heure juste.